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Édito de seneplus: Les maladresses de Dionne Par Momar Seyni Ndiaye


Lundi 25 Janvier 2016

Attention au "choc de l’image" et "au poids des mots", Monsieur le Premier Ministre ! Ces pièges ne se referment pas que sur leurs imprudents utilisateurs


Quoi de plus normal pour un Premier ministre de devoir jouer le rôle sacrificiel de fusible pour le chef de l’Etat ? Cette fonction de rempart  de premier rideau, forcément, l’expose le plus souvent dans l’arène politique. Et surtout, devant ces médias véritables prismes grossissants qui transforment les réussites en normalité banale et les échecs en horreur inclassable !

C’est bien connu, le PM présente, en grand oral, devant l’Assemblée nationale la fameuse DPG, son programme de gouvernement qu’il est censé mettre en œuvre. Même s’il est peu ou prou responsable devant l’institution parlementaire (selon l’interprétation les praticiens du droit), il jouit (en principe) de la pleine confiance du chef de l’Etat, tant que ce dernier en convient. Mais à l’évidence, il n’est rien de moins que le premier collaborateur souffre-douleur du Président. Celui qui reçoit de plein fouet le courroux du chef de l’Exécutif, comme le premier point d’atterrissement de ses frustrations.

Quand le gouvernement remplit opportunément ses objectifs et collectionne des performances, il reste à l’abri des glorifications comme un PM «normal».  Les lauriers tombent dans l’escarcelle du Grand Timonier. Et le second commandant du bateau reste en rade, balloté tribord bâbord entre les cajolâtes et autres flatteries égoïstes, les admonestations insidieuses et les feints encouragements.

Le Premier ministre a rarement du mérite. Il n’en a pas droit, car ce mérite revient invariablement au Chef. Infatigable serviteur, il est généralement le légataire des servitudes, le destinataire  et gérant obligé des causes perdues et le «mur des lamentations» de toutes les catégories socioprofessionnelles de la nation. Celles qui ne peuvent pas accéder au «Grand Patron». Et à peine a-t-il les moyens de décliner ses courroux sur ses propres ministres. Sauf, en tout état de cause, sur les protégés du Président et autres intouchables de tous acabits de la République.

Le poste de Premier ministre est souvent un plafond de verre. Il aperçoit et approche la présidence, mais ne l’atteint que rarement. Abdou Diouf dont la sobriété et l’effacement légendaire étaient exemplaires, est le seul Premier ministre à avoir succédé au président de la République, à la faveur du fameux article 35. Le Président Senghor reste jusqu’à preuve du contraire le seul chef de l’État sénégalais à avoir réduit son mandat. Et sans référendum et sans fioriture. Mieux à l’interrompre (en décembre 1980), malgré l’insistance des chefs religieux le suppliant de  rester «président  à vie».

Le Premier ministre et futur Président Macky Sall a réussi la performance inédite au Sénégal d’avoir battu son propre mentor dans une élection libre et transparente. Sans doute, un successeur inattendu contre le gré de celui qui lui aura mis le pied à l’étrier. Tous les autres, Habib Thiam, Mamadou Lamine Loum, Moustapha Niasse, Abdoul Mbaye, Mame Madior Boye, Idrissa Seck, Hadjibou Soumaré, Aminata Touré, Macky Sall, Souleymane Ndéné Ndiaye (battu en même temps que Wade) sont pour ainsi dire passés à la trappe. Mamadou Dia, Président du Conseil dans un régime parlementaire (ou présidentiel, selon les juristes), a payé de douze ans de prison, son défi lancé au Président  Senghor.

Tous ces primus inter pares, partagent le même dénominateur, celui d’avoir entrevu le pouvoir présidentiel sans jamais le toucher.  Ils n’auront pas réussi à transformer leur rite d’étape en essai concluant.

Et pourtant, ils ne manquaient pas de compétence à l’image de Loum et Hadjibou Soumaré ; de poigne comme Niasse, Aminata Touré, Mame Madior Boye, Souleymane Ndéné ; d’ambition comme Idrissa Seck ; de classe et de sobriété, sans doute aussi de professionnalisme, comme Abdou Mbaye ; de loyauté, d’engagement, comme Habib Thiam !

Qu’ils aient fait preuve de savoir, savoir-faire ou savoir-être, il leur a toujours manqué cette petite touche qui génère les grands destins, le savoir-devenir. Autrement dit, une patience, une endurance et une docilité qui poussent à l’effacement, jusqu’à la négation de soi. Ne rien vouloir, ne rien pouvoir ! Ne rien laisser transparaître qui ressemble au «pire péché d’ambition» ! Se doter d’une carapace dure comme une cuirasse et avoir le dos suffisamment large pour supporter les pires humiliations et sévices ! Avaler les couleuvres avec récurrence et permanence ! Savoir animer la cour avec une inégalable obséquiosité pour la Première dame et les proches parents du Président !  Ne développer aucun réseau ostensible chez les marabouts et les Grands électeurs ! Et ne Jamais ôter ses chaussures avant 22 heures, au mieux ! Voilà le mode d’emploi du Premier ministre parfait sous les tropiques.

Qu’ils aient trop cherché à lorgner le fauteuil du chef comme en ont été accusés Macky Sall, Abdoul Mbaye et Idrissa Seck ; qu’ils aient trop fait preuve de loyauté (Habib Thiam, Hadjibou Soumaré), le sort est le même : le chef du gouvernement est appelé, de toute manière, à nettoyer les écuries d’Augias. Avant d’être à son tour fatalement « balayé», avec les honneurs. Malgré les bons et loyaux services rendus. C’est la loi des séries avant le long séjour dans les oubliettes de l’histoire politique, qui réduit, hélas les PM en simple détail de ce long cheminement de la vie politique.

Le poids de ses charges et la délicatesse de ses missions font que le Premier ministre vit dans une tourmente permanente. Durant son parcours bruissent tous les jours des rumeurs de remaniement, qui le ravalerait ipso facto en citoyen ordinaire. Le onzième Premier ministre du Sénégal, le bien-nommé Mouhamed Boun Abdallah Dionne  n’échappe pas à la règle. Peu de temps avant qu’il n’effectue son récent pèlerinage à La Mecque, il avait été donné pour partant. Son remplacement paraissait inéluctable, à cause semble-t-il d’ennuis de santé (avérés ou pas) qu’il a démentis. Depuis, il démontre son entrain et affiche sa forme étincelante (tant mieux alors). Il multiple ses sorties, égrène les inaugurations et brave la hargne des députés de l’opinion qu’il n’hésite pas à narguer, sous des dehors sobres et même austère.

Il aurait comme qui dirait «bouffé du lion» et s’illustre parfaitement dans la ligne de défense du chef de l’État. Ainsi soit-il ! Brillant informaticien, armé d’un talent oratoire bien consommé, manipulant les statistiques avec dextérité, Dionne se plaît dans ces habits de fonceurs et d’incontournable sentinelle du Président. Visiblement pétillant de forme, il décoche ses piques assassines sur les opposants libéraux. Il entend bien tracer son territoire, pour ne pas se laisser dépasser par d’autres gardiens du Temple, comme le ministre des Finances, Amadou Bâ, bien en place dans son rôle de messie des bonnes nouvelles économiques, pour les uns, marchand de rêves pour les autres.

Qualifié jusqu’ici de taciturne, le Premier ministre Dionne est si bien lancé qu’il multiplie depuis quelque temps d’impensables embardées. Des dérapages verbaux en série ! Attaques frontales contre l’opposition, algarades et grivoiseries contre ce qu’il appelle «la République des professeurs», on ne l’avait jamais vu sortir de la réserve naturelle des Premiers ministres, avec autant de bile, lui qui est d’habitude si effacé. Du miel au fiel comme si cette déboulée transgressive était devenue son bréviaire, son code de bonne conduite pour rester dans les bonnes grâces du Président.

Mais comme l’ambition fait pousser des ailes, le Premier ministre Dionne n’en rate plus une occasion de s’illustrer. Confirmant la décision du gouvernement de ne pas renvoyer Massata Diack en France englué dans les accusations de corruption avec l’argent du dopage, il dit sans sourciller : «Une nation qui se respecte ne brûle pas ses stars.»

Qualifier le clan Diack de stars, c’est quand même fort de café. On ne sait pas qui des stars ou du clan Diack se sentiraient maltraités par le façonnage du Premier ministre. Tout dépend du sens qu’il prête au vocable «star» ! Et on pourrait bien se demander si les têtes de gondole du show biz, de la Jet Sociéty ou du sport et les blanchisseurs d’argent du dopage (et de la drogue) ne se trouveraient pas dans la littérature du bien nommé Dionne. Et au bout du compte, si une fois libérés des limbes de la justice, Massata Diack et son père, Lamine, ne poursuivraient pas le PM pour «diffamation et injures publiques». Ne pourrait-on pas en dire autant des Stars ! À ce rythme, c’est de l’extradition du PM qu’il pourrait s’agir, pour diffamation aux uns et autres !

Attention au «choc de l’image» et «au poids des mots», Monsieur le Premier Ministre ! Ces pièges ne se referment pas que sur leurs imprudents utilisateurs.

SENEPLUS




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