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Opinion

Edito de seneplus: Institutions trouées par Momar Seyni Ndiaye


Lundi 7 Mars 2016

Hélas, le reniement présidentiel survient dans un contexte où nos institutions bien que solidement ancrée dans notre système démocratique, ont plusieurs fois flanché


Les institutions de la République sont aujourd’hui  au cœur des débats de tous les instants, à tous les niveaux et au sein des catégories socioprofessionnelles les plus diverses. Faut-il s’en réjouir ou le déplorer ? Probablement,  il y aurait de quoi y  trouver un légitime motif de satisfaction si le climat social et politique n’était installé dans une  conflictualité si ardente. La cause, le rétropédalage du Président Macky Sall, qui a préféré suivre la décision consultative du Conseil constitutionnel, plutôt que de soumettre la réduction de son mandat soit par référendum ou par l’Assemblée nationale, ou les deux simultanément selon qu’on pointe l’article 27 ou l’article 51.

L’article 103 qui donne la primauté à la voie référendaire était sans doute le plus court chemin pour le chef de l’État de choisir l’arbitrage du peuple. Mais le verdict était déjà tout tracé, les Sénégalais allaient voter massivement «Oui», emmenant Macky Sall à remettre son mandat en jeu et prendre le train de l’Histoire. Le débat a été tranché par le Manifeste des 45 professeurs de droit, mettant hors-sol Ismaëla Madior Fall (conseil juridique du Président) et Mounirou Sy juriste zélateur au service de la cause présidentielle.

Visiblement, le Président Sall a fait son chemin en deux étapes, d’abord par l’article 51 pour acquérir la caution du juge constitutionnel, puis l’article 92, pour solliciter le caractère irréversible du Conseil des cinq Sages. Bien joué ! D’aucuns  y voient, de la ruse et de la malice pour figer le Président Sall dans la légalité en restant dans le sillage des sept ans du mandat en cours. Sans doute, les opposants au reniement présidentiel s’appuient-ils à dessein sur le sacro-saint principe non écrit du respect de la parole donnée, comme élément fondamental de crédibilisation de toute forme d’organisation. Comme l’essence du commun vouloir vivre tout en se respectant, toile de fond d’une société démocratique.

Pour autant la morale peut-elle s’imposer au droit  et à la loi ? Mais que vaudrait la légalité institutionnelle, si le président de la République, clé de voûte des institutions est moralement, socialement et politiquement affaibli  pour avoir failli à son engagement ? Quel crédit donnerait-on au Conseil constitutionnel, et à l’ensemble des institutions si la parole du président de la République perd sa force et sa puissance ? Primus inter pares parmi les citoyens, le chef de l’État est une institution, un guide, un chef, un symbole dont la parole est trop précieuse, pour flancher. Surtout après cinquante mois de gouvernance et la reconnaissance de la communauté internationale, pour ce qui aurait pu être un fait inédit. Exceptionnel, après le départ de Senghor, à 74 ans,  en 1980. Le Sénégal a raté le coche, comme en 2002, lors de la Coupe du monde, avec moins de gloire ! Et comme en septembre  2002 avec la plus grande catastrophe maritime de l’histoire de l’Humanité, avec sans doute, moins de tragédie !

Ce n’est pas faire accès de morale que d’accorder la précellence à cette valeur fondatrice qu’est l’éthique de conviction (morale) par rapport à la légaliste éthique de responsabilité (légale). Le droit et la morale s’opposent souvent. L’un est objectif et positif, l’autre subjectif et aléatoirement ancré dans l’appréciation qu’on peut accorder ou non à l’éthique et la bonne conduite.

Certes, le droit est général et impersonnel qui s’applique à tous les citoyens, y compris le président de République. En fondant ses décisions sur la rectitude, le respect du bien commun, la loi, produit du droit, s’inspire aussi de la morale et de l’éthique. C’est tellement vrai que le législateur a élargi les compétences du Conseil constitutionnel qui peut aussi fonder ses décisions ou avis sur des aspects non juridiques, en intégrant dans ses analyses contextuelles les réalités sociales, sociologiques, morales et éthiques. C’est cela qui fait que le législateur varie et diversifie la composition des Sages qui peut être élargie à d’autres profils de disciplines. Autrement, le Conseil constitutionnel ne serait qu’un monstre froid et désincarné, qui ne dit que le droit. Rien qu’un droit, qui pour autant n’ignorerait pas les consignes.

Mais, il est vrai qu’il était plus commode pour le Président Sall en dépit de la lourdeur de sa promesse, de vêtir les habits de la légalité pour garder son mandat avec la bienveillance du Conseil constitutionnel. La force du serment du 2  avril l’y aidant, certes.  Il est vrai que la conscience des juges, a ces derniers temps trop souvent croisé, les consignes présidentielles avérées ou supposées.

La plus haute instance de nos organes juridictionnels a-t-elle subornée ? Il n’est pas insensé de se poser la question si on analyse l’évolution sémantique de la parole présidentielle sur la question depuis ces trois dernières années. Le recours au Conseil constitutionnel n’est apparu que très tardivement dans les neuf fois où l’engagement présidentiel a été asséné. C’est quasi lors de la fameuse conférence de presse de Kaffrine où le glissement sémantique s’est opéré de façon plus nette, instillant le doute dans les esprits. Assurément comme une botte secrète ! Comme d’autres diraient, la Tour de Pise, qui s’incline du bon côté.

Hélas, le reniement présidentiel survient dans un contexte où nos institutions bien que solidement ancrée dans notre système démocratique, ont plusieurs fois flanché. L’Assemblée nationale, incarnation du pouvoir législatif, n’a jamais été aussi sabotée. Son image est ternie par des comportements indescriptibles qui se croiraient dans une foire d’empoignes. Des attitudes si puériles qu’on se demande si on n’injuriait pas les enfants en les comparant à des députés gavroches. Le Président Niasse, d’habitude si réservé a souvent dépassé les bornes de l’admissible, face à des mandataires aussi infantiles. Son «maa bagn, maa tay» («je refuse, je m’en fous»), rien que pour confirmer son engagement viscéral auprès du Président, crève le plafond de la gêne.

Les accusations ouvertes de corruption faites par les avocats (auxiliaires de la justice) aux magistrats, devant le chef de l’État le jour même de l’ouverture des cours et tribunaux dépassent l’entendement. Des plaintes sont déposées contre des magistrats soupçonnés de corruption. On attendra la suite pour savoir si le summum de la dérision a été atteint avec l’éventuelle mise en examen de ces magistrats, qui apparemment sont rarement et faiblement sanctionnés.

Quid de la CREI dont les dérapages judiciaires sont incommensurables sur l’affaire Karim Wade ? Que dire sur la vingtaine de dossiers de la CREI, de la Cour des Comptes et de l’Inspection générale d’État au-dessus de laquelle un puissant coude est mis (comme l’avait indiqué le chef de l’État à Jeune Afrique) ? Et l’OFNAC, qui peine à faire aboutir ses enquêtes sur une quinzaine de dossiers, alors la brave Nafissatou Ngom Keïta se débat comme un diable pour traquer des malfaisants ? Quid de la séparation des pouvoirs tant claironné ?

Et plus récemment encore quel autre commentaire faire sur un ministre qui démissionne et se renie subitement sans coup férir ? Aurait-il de qui tenir après le terrifiant et mémorable discours présidentiel du 16 février ? Que dire d’autres, sur les centaines de millions distribués par des ministres et directeurs généraux et de service, dans les instances de l’APR que la presse relaye sans sourciller, souvent comme des faits de gloire.

Au moment où une terrible cacophonie enveloppe et rend inaudibles tous les acteurs politiques, ces trous noirs dans nos institutions sont source d’un vrai malaise. Pourvu que ces sombres orifices ne produisent au bout du compte, l’énorme béance d’un après bing bang.

SENEPLUS




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