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Opinion

Edito de seneplus: Dialogue plombé-Par Momar Seyni Ndiaye


Mercredi 30 Mars 2016

C’est connu, les après-élections sont souvent suivies de main tendue pour un dialogue, impossible avant. Une ​main de fer enveloppée de velours ! C’est pour ainsi dire la période des bonnes intentions, après une rude partie d’empoigne. La victoire du «Oui» au référendum du 20 mars retrouverait-elle donc cette débauche de vertu qu’on croyait à jamais bannie du langage politique ?


Le Président Macky Sall requinqué par ce succès a donc décidé, comme le veut l’usage, de fumer le calumet de la paix avec ses acharnés adversaires. Cependant, peut-on bien s’interroger, ce coup d’éponge sur les grivoiseries, insultes, admonestations et autres stigmatisation échangées avec une tonalité retentissante, pourra t-elle gommer ces cicatrices profondes ? Comment ces propos haineux, balancés comme avec des lance-pierres,  feraient-ils passer par pertes et profits, une campagne électorale rude et particulièrement clivante ? Comment ces acteurs, incapables de s’entendre avant la campagne sur des modalités civilisées, honorables et respectueuses, feraient-ils office de la capacité de transcendance nécessaire, pour dépasser leur conflictualité, s’asseoir autour d’une table et remettre à plat les problèmes qui enserrent le Sénégal dans une sorte de capharnaüm indescriptible ?

Si ce dialogue politique apparaît comme une forte attente, sa mise en œuvre relève presque de l’exploit. Premier obstacle : le lourd contentieux politique, source d’une adversité sévère entre la majorité et l’opposition, depuis l’avènement du Président Sall. La défaite de Wade et toutes les péripéties qui l’ont jalonnée a donné une allure dramatique aux relations entre les ex-frères libéraux. La réactivation d’une CREI plus arrimée aux consignes qu’aux consciences des juges, a servi d’expédition punitive contre ceux que Wade avaient utilisés comme bras armés pour «liquider» politiquement Macky Sall entre 2008 et 2009.

Six ans d’emprisonnement contre Karim Wade, quinze dossiers d’accusation d’enrichissement illicite planent comme une épée de Damoclès au-dessus des ténors du PDS. Les plus fragiles ont pris la clé des champs atterrissant avec armes et bagages sur la rive marron. Les autres moins téméraires se réfugient dans un mutisme sécuritaire. Et les plus endurants font face au Président Sall, le poing et le verbe hauts. Arrestations compulsives, emprisonnements, marches interdites, accusations mutuelles de pires péchés, rien ne semble a priori préparer à la reconstitution de la famille libérale. C’est le cercle vicieux de la violence qui appelle la violence, pour produire, in fine, la haine politique destructrice.

Autre facteur de blocage, le contentieux électoral né du référendum. Il est aussi actuel, frais et pesant que le précédent obstacle. La victoire du «Oui» n’est pas, loin s’en faut, un jalon de plus vers une meilleure qualité démocratique. Il est aussi, la manifestation flagrante d’incommensurables dérives démocratie-phages. Manipulations médiatiques à gogo, achats de consciences à profusion, publicités déguisées en abondance, c’est l’agrégation de tous les ingrédients d’une tromperie sur la marchandise. Car de référendum, il n’était point.

L’opposition pour avoir voulu flouer les électeurs sur de prétendus pièges contenus dans les réformes proposées, a une lourde responsabilité dans ce charivari. Elle est tombée dans la chausse-trappe parce qu’elle a tellement cherché à subjectiviser la campagne, qu’elle en a perdu la raison et le résultat. Sans leader charismatique, sans projet alternatif, elle s’est systématiquement braquée contre le Président Sall victime de son incroyable rétropédalage. Aujourd’hui elle rumine son échec, car le chef de l’État a mis à profit le référendum, pour se donner les moyens de rebondir politiquement suite à ce reniement et garder les opposants à distance. Comme pour leur dire : «si élection présidentielle, il y avait, vous subirez le même sort !».

Peu inspirée, l’opposition s’accroche aux défaillances électorales, pour prouver l’inanité tardive du vote. Peine perdue, car la sincérité du scrutin n’est pas si entachée d’irrégularités au point de justifier une annulation. Prendre à témoin les institutions internationales est contre-productif et ne mènera à rien. Sinon dégrader encore un peu plus l’image du Sénégal écornée par le reniement de la promesse présidentielle et les ostensibles entorses constatées lors du vote du 20 mars. Réclamer le départ d’un ministre de l’Intérieur maladroit et trop ouvertement partial reste un pis-aller, devant l’ampleur des dérives à corriger.

Qui plus est comment amorcer un dialogue politique, alors que seuls quelques mois nous séparent des élections législatives de juin ? Les soupçons et les accusations de malicieuse stratégie du pouvoir pour réduire l’opposition à sa plus simple expression, plombent davantage et presqu’a priori, toute velléité de dialoguer opportunément. L’opposition n’entend plus laisser le moindre trou de souris au pouvoir pour qu’il puisse s’offrir un autre coup Jarnac. La proximité de cette échéance électorale capitale et la douche froide subie par l’opposition le 20 mars sont incompatibles avec une concertation politique, dont les finalités et la forme sont encore plus problématiques à cerner.

Il est de notoriété, que le Président Sall a si peu fait preuve d’ouverture d’esprit et de disposition au dialogue, que l’opposition a toutes les raisons de douter de la sincérité de son appel. Tel le père fouettard, il a tellement préféré le bâton à la carotte, qu’il aura du mal à convaincre l’opposition de le rejoindre à la table de concertation.

Et pourtant ce dialogue est nécessaire. Il est indispensable, si l’on veut aborder les prochaines échéances avec plus de respect et de sérénité. Et pourtant, pour les acteurs politiques il y a moult raisons à se parler. Les dix-huit articles du référendum devront être traduits en décrets d’application avec leur adoption par une assemblée, qui tel un œuf brouillé, est sens dessus-sens dessous. Voilà un premier défi à relever : re-crédibiliser l’Assemblée nationale.

Autres activités potentiellement champêtres : les nouveaux droits, le statut de l’opposition, la laïcité, le renforcement des pouvoirs de l’Assemblée nationale, la modernisation du rôle des partis. Autant de sujets qui auraient dû solliciter la réflexion de toutes les compétences, la classe politique en tête. Mais devant un contexte si plombé, semblable à une paix armée, comment amorcer un dialogue apaisé ?

La tache s’annonce d’autant plus titanesque que l’atmosphère est déjà polluée par une série de dérapages verbaux qui, malheureusement, ne choquent pas grand monde. Le ministre de la Culture, Mbagnick Ndiaye, qui affirme, sans ciller, qu’avec les voix des parents sérères et hal pulaar du chef de l’État, la victoire du «Oui» au référendum est garantie. Les deux Grand-Serigne de Dakar qui appellent la communauté léboue à adopter le projet de révision de la Constitution proposé par Macky Sall. Lequel, sacrifiant la quête sans relâche de la cohésion nationale sur l’autel de la préservation de ses intérêts politiciens, surfe systématiquement sur la vague de la rivalité entre ces deux autorités coutumières. Cette ethnicisation du discours politique est inacceptable dans une République démocratique.

Tout aussi inacceptable, le choix du Président Sall d’explorer le champ lexical de la lutte pour annoncer la victoire du «Oui». «Nous allons les (partisans du «Non») terrasser une première fois et une deuxième fois pour leur infliger une cinglante défaite», a-t-il déclaré lors de la campagne du référendum sous les vivats de ses partisans conquis par le ton violent du discours présidentiel.

Du côté de l’opposition, on ne fait pas mieux. Depuis qu’il a renoncé à réduire son mandat en cours de 7 ans à 5 ans, Macky Sall essuie de ses adversaires politiques des attaques virulentes à propos de ses origines familiales. «Gor ca wax dia», le nom adopté par le «Front du non», «à l’incompétence, Macky a ajouté la déshonneur» d’Idrissa Seck, entre autres, constituent autant d’allusions fumeuses de nature à porter atteinte à la dignité du président de la République et, par ricochet, à stigmatiser une partie de la population sénégalaise.

On se rend compte que pour l’heure, le pouvoir savoure sa victoire sans modestie. L’opposition rumine sa défaite sans retenue et autocritique. La société civile pour sa part embrase le climat politique, sans frais, par des initiatives absconses. La transhumance, ce mal absolu, prospère. Le climat social se détériore avec des grèves récurrentes et ravageuses. Les Sénégalais, malgré l’optimisme béat du pouvoir, s’entichent dans la désespérance. Peuple en détresse cherche désespérément ses acteurs politiques, pour reprendre la trajectoire de la raison. Comment faire pour s’en sortir, dirait-on trivialement ? Ce serait le premier thème d’un dialogue mort avant d’être né




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