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Opinion

Édito de seneplus: Devoir de vérité Par Momar Seyni Ndiaye


Lundi 28 Décembre 2015

Pour laver l'honneur d'une Nation entaché par Lamine Diack, il est impératif que la justice sénégalaise fasse la lumière sur les aveux de l’ancien président de l’IAAF et ses multiples ramifications.


Au stade actuel de l'instruction de ce qu'il est convenu d'appeler l'affaire Lamine Diack, il est difficile d'imaginer l'issue de cet imbroglio politico-financier en emballement permanent. Et cette embardée, on peut parfaitement l'imaginer, est loin de connaître son épilogue.

Après ses aveux de corruption et de blanchiment d'argent du dopage, Lamine Diack ne pourra plus rien s'épargner. Les procédures à charge se multiplient à son encontre. La dernière en date est celle de la justice française, qui a ouvert une information judiciaire sur cette affaire, après sa mise en examen par Renaud Van Ruymbeke.

Par ses aveux, l'ex -Président Lamine Diack  a porté un sérieux coup à nos processus électoraux  et pointé clairement du doigt les membres de l'opposition sénégalaise d'alors, qui aurait reçu de sa part des aubades en espèces sonnantes et trébuchantes. Ce financement occulte est un délit flagrant. Et il n'y aurait aucune raison qu'il n'y répondît pas. La justice sénégalaise ne peut pas continuer de garder le mutisme, alors même qu'à la moindre incartade, des opposants sont arrêtés, détenus sans ménagement.

Le cas d'Oumar Sarr, dégât collatéral du plus grand scandale politico-financier de notre pays, en est, hélas, une douloureuse illustration. Même si ses propos paraissent si fielleux et son procédé consistant à faire endosser cette déclaration à un comité directeur fictif, son arrestation est tout de même abracadabrandesque. La prompte réaction de la justice est à ce titre surprenante, comme elle l'est chaque fois qu'un responsable du PDS commet un écart de langage en direction du Président Sall. Le secrétaire général adjoint du PDS, non moins député, ne doit pas payer, cet enchevêtrement de scandales, dont Lamine Diack est le principal, voire l'unique responsable.

Et en dépit des pathétiques et scabreuses dénégations de son fils Pape Massata Diack, désigné par son père comme le porteur de la mallette de la corruption, les faits de forfaiture semblent établis. L'ancien Président de l'IAAF aurait bien arrosé, selon ses propres mots, la classe politique sénégalaise, lors des Assises populaires d'abord, ensuite en 2009 (élections régionales, communales et locales) et enfin en 2012, (élections présidentielles), dans le dessein de faire tomber le Président Wade.

Ces propos lui ont-ils été extorqués ? Les a-t-il proférés en toute lucidité ? Ou comme l'a annoncé son fils à la chaîne RFM, aurait-il été victime d'une défaillance de mémoire (à 82 ans) suite à une forte pression des enquêteurs ? L'instruction du dossier permettra d'y voir plus clair.

Il ne s'agirait nullement, comme le voudrait l'opposition actuelle, de remettre en cause la fiabilité de l'élection présidentielle. Il serait même injuste de laisser jeter la moindre ombre sur la sincérité du scrutin et la victoire sans rémission du Président Sall. Cependant faire table rase sur ce scandale politico-financier, pour accréditer l'ignoble impression que l'argent sale régule notre vie politique. Personne ne pourrait accepter que les minables et dérisoires subsides que Lamine Diack aurait distribués en 2009 et 2012, aient changé le cours de notre histoire politique.

Toujours est-il que l'ancien ministre sénégalais pourra difficilement se tirer d'affaire après avoir signé des déclarations si accablantes. Pas moins que le père, le fils se sortirait difficilement des limbes. Son entretien avec le patron de RFM, comporte plusieurs éléments, qui pourraient davantage les enfoncer. Les relations incestueuses entre le Président Diack, le sulfureux Poutine et certaines monarchies du Golfe (le Qatar notamment), contenues dans l'interview, ouvre de nouvelles pistes d'investigation sur de possibles autres collusions.

Déjà le 8 décembre 2011, le comité éthique du CIO avait épinglé ses membres Lamine Diack et Issa Hayatou, président de la Confédération africaine de football (CAF) pour des conflits d'intérêts. Sans aller jusqu'à engager des procédures judiciaires contre eux, le CIO, avait décidé de leur infliger respectivement un avertissement et une blâme. Lamine Diack, ainsi averti, après la découverte du pot-aux-roses, a été moralement contraint de démissionner. Qui plus est, en 2012, les ambitions présidentielles (par la suite, abandonnées ou différées), auraient conduit, dit-on, le Président Diack a tenté une mobilisation pour sa campagne électorale après, semble-t-il, des promesses de financement de sponsors originaires de pays du Golfe. Ces rumeurs n'ont pas été confirmées par la réalité.

Cependant, des proches du Président Diack indiquent bien que des  lobbies dont certaines, d'obédience maçonnique, auraient tout fait pour contrecarrer cette ambition. On ne sait d'ailleurs pourquoi. Quoiqu'il en soit, sur la foi des aveux de Lamine Diack, il semble établi qu'on soit en face de dangereuses interconnexions entre la politique, les lobbies de tous acabits et l'argent sale.

Personne ne comprendrait donc que les choses en restassent en l'état, sans suite judiciaire au Sénégal, au-delà des procédures en cours  contre les Diack. Les seuls aveux de Lamine Diack auraient suffi au procureur de la République, pour engager une information judiciaire contre l'ancien président de l’IAAF et son fils qu'il a lui-même mouillé, en le citant nommément comme acteur de premier plan dans le financement de l'opposition d'alors.

Pour laver l'honneur d'une Nation entaché par celui que jusqu'ici, on considérait comme un de ses plus valeureux fils, il est impératif que la justice sénégalaise fasse toute la lumière sur les aveux de Lamine Diack et ses multiples ramifications. Ce devoir de vérité s'impose aussi bien à Lamine Diack qu'à ceux qui auraient bénéficié de ses insalubres libéralités.

Il est en effet d'une presse acuité pour notre classe politique, invitée à éclairer l'opinion et les citoyens sur son degré d'implication dans ce "Diackgate". Ces questions que tout le monde doit se poser, appellent tout de même des réponses. Qui a fait quoi ? Qui sait quoi de la provenance de cet argent sale ?

Les organisations de la société civile, de jeunes, les hommes politiques de haut rang sont indexés et nommément cités dans les réseaux sociaux. On comprend difficilement qu'ils continuent à garder le silence sur des accusations aussi graves que compromettantes, accréditant implicitement la thèse d'une complicité ardente, s'il est prouvé- ce qui n'est pas encore le cas- qu'ils connaissaient bien l'origine illicite des fonds reçus.

Certes, on imagine mal Lamine Diack révéler l'identité de ses obscurs bailleurs de fonds. Et même, les bénéficiaires accepter d'en avoir été informés préalablement. Dans un cas comme dans l'autre, aucun des protagonistes de cette vaste tontine ne voudrait révéler le forfait, ni en accepter l'existence. Car chacun peut dès à présent mesurer l'étendue des poursuites à subir.

Lamine Diack, avec une mémoire défaillante ou lucide, est en train de faire les comptes à son niveau. Ses protagonistes ne devraient pas s'attendre à moins, si la justice sénégalaise se saisissait de ce chaud dossier. Et il serait extrêmement dommageable pour notre démocratie et sa vitrine idyllique de laisser passer cette chance inouïe de passer sous les fourches caudines de la vérité.

Ce test historique est certes, une redoutable épreuve à cause de ses conséquences diverses, marquantes et variées. Mais cette phase est indispensable à franchir, comme le serait toute expérience collective et massive à ce stade, qu'on pourrait bien voir comme un rite d'étape avant la maturité démocratique. La judiciarisation sans complaisance de cette étape comporte en effet une certaine dose de valeur initiatique, pour nous prouver d'abord à nous et à la face du monde que personne, fût-elle, une légende vivante comme Lamine Diack, ne peut impunément entacher notre démocratie qui s'enracine lentement mais sûrement dans nos mœurs politiques et sociales.

Lamine Diack, sûrement a franchi des digues éthiques. Que ses accusés prouvent qu'ils n'ont pas été volontairement entraînés dans ce délitement moral. Qu'ils le fassent de bon gré par des déclarations publiques, ce serait pour eux une occasion de prouver leur bonne foi. Autrement, la justice sénégalaise devrait user de tous ses droits régaliens, pour les entendre, et faire ce qui est attendu d'elle dans tous les cas de figure.

SENEPLUS




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