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Opinion

Edito de seneplus: Abdoul Mbaye vs Macky Sall-Par Serigne Saliou Guèye


Jeudi 19 Mai 2016

On subodorait son entrée dans l'arène politique depuis qu'il a été défenestré du gouvernement le 01septembre 2013 alors qu'il commençait à prendre goût à la gestion des affaires de la cité. Après presque un an d'effacement médiatique, son ouvrage victimaire "Servir", publié en mai 2014 et dans lequel il retrace son passage à la Primature, le remettait au cœur du débat politique. En sus le lancement de son cercle de réflexion Travail et Vertu lancé six mois plus tard constituait les prodromes d'une future entrée en politique. Et voilà depuis le 14 mai dernier, les supputations de son engagement en politique sont devenues une réalité. L'Alliance pour la Citoyenneté et pour le Travail (ACT) est portée sur les fonts baptismaux. Et son leader, Abdoul Mbaye, entend faire la politique autrement. Une politique porteuse d'espoir où les principes de l'éthique les plus rigoureux doivent guider toutes les actions et décisions des citoyens.

Dans un pays où la reconstruction intellectuelle et politique est devenue un impératif catégorique, dans un pays où les différentes composantes, désabusées par la succession des alternances et la persistance pendant six décennies d'un système administratif figé, n'aperçoivent plus le bout du tunnel, toute offre politique nouvelle salvatrice serait opportune. Ce qui manque le plus dans ce pays pleins de ressources humaines de qualité, c'est une vision nouvelle, un renouvellement intellectuel qui dépasse les idéologies usées, et les controverses systémiques. Et on ose croire que l'ACT plutôt que d'être un parti de plus dans la flopée de formations politiques qui pullulent et polluent le champ politique constitue, comme l'a souligné son leader, "le véhicule qui va conduire les citoyens lassés de la politique politicienne, vers le renouveau, la politique autrement".

Seulement le premier acte posé lors du lancement de l'ACT ne diffère en rien de ce que l'on a l'habitude de voir ou d'entendre. En effet, Abdou Mbaye et les siens se sont constitués en une sorte de cours d'assises pour instruire le procès du régime de Macky Sall, régime dans lequel il a été décisionnaire pendant 17 mois. Sans aménités, il a pilonné à tort ou à raison la gouvernance actuelle. Il a été plus question de la fustigation du régime de son ex-patron que du déroulement de son projet alternatif novateur tant claironné. En véritable docteur ès-politique, Abdoul Mbaye a listé les maux qui gangrènent ce Sénégal malade dans "un quasi état de collapsus avant de proposer une panacée pour le sauver d'une mort imminente".

Toutefois l'ex-PM ne peut pas s'exonérer de ses 17 mois passés à la tête du gouvernement. Quand le leader de l'ACT dénonce "les nominations se faisant sur la base d'un brevet de militantisme et du favoritisme", il a touché du doigt une injustice qui date de l'ère coloniale et qui s'est métastasée dans notre administration au point de reléguer au second plan la compétence et la méritocratie dans le système des nominations. Seulement la nomination de l'alors apolitique, de l'alors sans-parti à la Primature constitue un paradigme en matière de favoritisme mêmes si ses compétences intellectuelles peuvent le prédisposer à un tel poste. Quand le président Sall l'imposait comme premier chef du gouvernement de la deuxième alternance au détriment des cadres de l'Alliance pour la République dont certains peuvent diriger aussi bien que lui la Primature, sur quelle base reposait sa nomination qui a surpris plus d'un ? Il appert que c'est son frère Cheikh Tidiane Mbaye, qui a abattu un excellent travail à la Sonatel, qui était désigné pour ce poste tant convoité. Mais pour ne pas mettre la main dans le cambouis de la politique, l'ingénieur télécom a recommandé son frangin banquier qui n'a pas barguigné un seul instant pour s'accaparer ce privilège. Et ce même système de nomination basé sur la recommandation, le copinage ou le pistonnage est plus patent dans des sociétés comme la Sonatel, la Senelec, la Sones et même dans les banques. Quel est le seul chef d'entreprise ou directeur de société qui n'a pas eu à recruter sur la simple base d'une recommandation parentale, amicale, politicienne ou sur la bases d'autres raisons que la pudeur ne permet pas de coucher ici ? Ce favoritisme que dénonce à juste raison le leader de l'ACT a bien existé aussi dans les hautes instances judiciaires dans les années 1960 sous la gouvernance du président Léopold Sédar Senghor.

Rappeler ces vérités indéniables ne signifie point donner une onction ou une caution à de telles pratiques qui relèguent la compétence, le talent et le savoir-faire en faveur de ces considérations susnommées mais c'est dire une réalité séculaire qui prévaut hélas dans le système de nomination et de recrutement.

Abdoul Mbaye s'interroge : "ceux qui nous gouvernent aiment-ils les lois et respectent-ils l'état de droit lorsqu'on voit le mépris constant des procédures à tous les niveaux… lorsqu'à maintes reprises un droit élémentaire en démocratie comme celui de manifester est souvent refusé aux uns et accordé aux autres". Il a littéralement raison quand il flétrit la violation constante des libertés publiques sous le magistère du président Sall. Mais si l'amour des lois est jaugé à l'aune de l'interdiction itérative des manifestations, nous sommes en droit de lui demander comment on qualifie, sous sa primature, l'interdiction par le préfet de Dakar, le 18 février 2013, de la marche pacifique des diplômés chômeurs qui voudraient rappeler au président Macky Sall ses promesses d'emploi. A cela s'ajoutent les marches du Parti démocratique sénégalais (Pds) interdites les 7 et 18 mai 2013 par le préfet de Pikine sous prétexte de troubles à l'ordre public.

Abdou Mbaye, avec moins de péroraisons et plus d'humilité pour la forme, peut prétendre à bon droit renouveler la vie politique de notre pays. Il peut être en désaccord avec la politique suivie par le gouvernement actuel même s'il a en a été un acteur et non des moindres pendant 517 jours. Son opposition doit être critique, constructive, déterminée mais non manichéenne ou négativiste. Et c'est seulement dans cette dynamique qu'il pourra fédérer des sensibilités différentes, en les faisant travailler efficacement autour d'un projet de développement novateur.

Pour une entrée en matière politique, Abdoul Mbaye aura commis un raté en axant son discours critique sur le pouvoir plutôt que de décliner les grandes orientations de son projet politique rénovateur. Adopter une posture nihiliste et grincheuse pour critiquer avec véhémence le pouvoir dans lequel on a pris part ne saurait faire office de programme politique. Puisque le leader de l'ACT entend poser un acte novateur et jouer le rôle démiurgique d'un deus ex machina dans le champ pourri de la politique sénégalaise, il doit affiner une autre stratégie plus convaincante pour conquérir ces millions de Sénégalais lassés, comme il le dit, de la politique politicienne





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