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Opinion

Édito de Seneplus: Macky, les jihadistes et nous. Par Alymana Bathily


Mardi 24 Novembre 2015

L’Islam sunnite et le culte malékite sont maintenant battus en brèche par le wahhâbisme dans plusieurs contrées du Fuuta et du Gadiagaa, comme dans plusieurs banlieues de l’agglomération dakaroise


Le Sénégal est-il menacé par le «djihadisme» ? Pourquoi ? Quelles seraient les causes profondes de ce phénomène dans notre pays ? Comment y faire face ? Quelle posture de l’Etat face à la religion ? Les forces de sécurité ont-elles eu raison d’interpeller récemment des imams pour «apologie du terrorisme» ? L’interdiction du «voile intégral» au Sénégal est-il justifié ? Quelle posture de l’Etat face aux mosquées ? La formation des imams n’est-elle pas en cause ?

Ce sont là quelques-unes des questions qui ressortent de deux interventions récentes du Président Macky Sall, lors de la dernière célébration de la Journée des Forces armées puis à l’occasion du Forum sur la Paix et la Sécurité en Afrique.

Ce sont là des questions graves et particulièrement opportunes, qui concernent d’abord la sécurité collective des Sénégalais et qui pourraient permettre de reformuler le rapport de l’Etat au religieux. C’est pourquoi tous les partis politiques et tous les segments de la société civile devraient se faire un devoir de participer au débat démocratique et citoyen auquel le président de la République invite sur ces questions pour faire entendre leurs opinions.

D’abord sur la réalité d’une menace «djihadiste». En ce qui le concerne,  le Président Macky Sall est convaincu depuis longtemps, semble-t-il, que le Sénégal  est véritablement l’objet d’une menace djihadiste.

Notre confrère Enquête informait déjà dans sa publication du 13 septembre 2012, citant comme source La Lettre du Continent, que le chef de l'État était ''préoccupé par la situation au Nord Mali' et qu’il se tenait  «régulièrement alerté par ses services sur de possibles actions entreprises par Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) contre des intérêts français sur le sol sénégalais...».

Il précise seulement désormais ceci : «la menace la plus aiguë reste assurément le terrorisme, djihadiste plus particulièrement ; ces forces obscurantistes mènent contre le monde libre une véritable guerre totale, au sens militaire du terme... Elles s'attaquent à l'essence même de notre être, à la substance de la société : la culture…».

Nous en convenons quant à nous. Comment en effet douter d’une telle menace quand on sait la présence armée djihadiste au Mali, pays voisin dont les populations sont si étroitement embringuées avec celles du Sénégal ?

On s’en convaincra aisément au vu des récents événements de Bamako, de Paris, des massacres quasi quotidiens de dizaines de personnes au Nigeria, au Cameroun et au Tchad notamment et quand on considère comment Boko Haram s’est exporté du Nigeria à ses voisins, le Niger, le Cameroun et le Tchad ?

«Dakar sous la menace des djihadistes», écrivait récemment le quotidien dakarois Rewmi qui faisait même état de «l’existence d’un projet d’attentat à Dakar, dont on ne connait pour l’heure, ni la cible ni le mode opératoire», projet encore plus crédible depuis les attentats de Bamako et de Paris.

C’est que le Sénégal est déjà gagné en grande partie par l’idéologie et la théologie djihadiste.

Sait-on que le wahhabisme, l’habit idéologique et théologique intégriste que revêt le «djihadisme» qui se traduit par des formes spécifiques d’interprétation du Coran, de la Sunna et des Hadiths, ainsi que des pratiques cultuelles, est désormais prégnant dans plusieurs parties du Sénégal ?

Sait-on que l’Islam sunnite et le culte malékite qui sont y sont traditionnels sont maintenant battus en brèche par le wahhâbisme dans plusieurs contrées du Fuuta et du Gadiagaa, en particulier dans les communautés hal pular et soninké, comme dans plusieurs banlieues de l’agglomération dakaroise ?

Au Fuuta et au Gadiagaa, les mosquées wahhabites financées par des fondations saoudiennes, koweïties ou qataries rassemblent maintenant souvent un plus grand nombre de fidèles que les mosquées sunnites quand celles-ci n’ont pas purement et simplement été délaissées.

Ce sont des Imams, formés dans les foyers de travailleurs immigrés en France ou en Arabie Saoudite et dans les pays du Golfe qui ont éclipsé les imams «traditionnels».

Ce sont les «medersas» dirigés par ces imans qui ont désormais en charge l’instruction religieuse des enfants.

C’est une interprétation de la charia de plus en plus rigoriste qui régit désormais la vie quotidienne des gens sans que cela ne fasse d’ailleurs grand bruit. Le port du voile intégral y est de plus en plus courant. Donc oui, la menace djihadiste est bien réelle dans notre pays.

Dès lors, que faire ? À ce propos le Président avance d’abord :  «la poursuite de la formation de forces spéciales en les dotant des équipements les plus modernes et en les mettant dans de meilleures conditions d’existence, le développement d’un système de renseignement performant, capable même de savoir ce que l’ennemi va penser…».

Oui, assurément. Un expert s’il en est, le Général Mamadou Seck, ancien chef d’état-major général précise même : «Nos services de sécurité doivent se moderniser, maitriser les technologies de l’information et de la communication, surveiller les réseaux sociaux de l’internet et disposer d’unités d’élites discrètes bien entrainées, bien armées et bien renseignées…».

Il ajoute : «La guerre au terrorisme, c'est d'abord une guerre du renseignement. Mais aussi c'est savoir ce qui se passe dans la société, quelles que soient les sources de mécontentement et légalement contrôler et sanctionner selon les règles.»

Quant aux causes profondes de l’emprise du djihadisme sur la jeunesse, le Président Maky Sall désigne  le chômage et «le manque de perspectives», s’engageant à «travailler à donner des perspectives à notre jeunesse, mettre en œuvre des politiques d’intégration nationale  et de création d’emplois».

On ne peut bien entendu qu’être d’accord avec cette proposition. Mais comment la mettre en œuvre ? Ne faudrait-il pas d’abord, comme le proposait récemment la sociologue Fatou Sow Sarr, mettre sur pied enfin cette école publique laïque dont d’innombrables consultations et études ont depuis longtemps défini tous les contours ?

Il faut maintenant faire face aux «sérigne daara» et autres conservateurs musulmans et intégrer les «daaras» à l’école publique selon les termes de cette réforme qui a été suffisamment discuté par tous les acteurs !

Tout a été dit, écrit et convenu sur les voies et moyens pour créer et faire fonctionner du préscolaire à l’université une école enracinée dans son milieu, intégrant l’enseignement religieux, fonctionnant avec nos langues, en phase avec le monde du travail, formant aux métiers demandés par la société tout autant que pour la recherche.

Le Président Macky Sall doit-il être convaincu que la mise en œuvre de ces réformes de l’école et de l’enseignement sont devenues indispensables non seulement pour le développement du Sénégal mais aussi pour la sauvegarde du pays contre le «djihadisme» ?

Il est pourtant aisé de voir que ces dizaines de milliers d’enfants mendiants, soit-disant «talibés», qui grandissent dans nos rues, sans accès à l’école et non socialisés, sont des proies faciles pour les djihadistes qui pourraient les transformer facilement en poseurs de bombes et en kamikazes.

Des réformes institutionnelles, voire constitutionnelles, sont-elles requises pour  permettre au président de la République d’agir ? Les Sénégalais les autoriseront sans aucun doute. Il faudra fonder une nouvelle forme de laïcité qui prendrait ses distances d’avec le modèle français, autoriserait et administrerait l’intervention de l’Etat dans l’organisation et le fonctionnement de la religion.

Oui, l’Etat doit se charger désormais de la formation des imams comme le propose le président de la République. Il ne doit plus se contenter d’aider à l’organisation du Magals et du Maouloud, mais s’intéresser désormais au fonctionnement des mosquées.

Instaurer un grand ministère permettrait à l’Etat de prendre en charge toutes ces nouvelles fonctions qui lui permettront non seulement de protéger le pays de la menace djihadiste mais aussi de concilier le culte et la pratique du religieux avec la modernité.

En attendant, il faut prendre les mesures sécuritaires requises pour se prémunir du terrorisme  dans le cadre de l’Etat de droit et sans enfreindre les droits et libertés des individus !

Oui il faut poursuivre et amener devant la justice toute personne, fusse-t-elle imam, qui ferait l’apologie du «djihadisme». Oui, il faut interdire le «voile intégral» puisqu’il sert  trop souvent comme nous l’avons vu récemment au Nigeria, au Cameroun et Tchad, à couvrir les kamikazes !

SENEPLUS




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