Eclatement de la galaxie de Karim Wade : La Génération condamnée

C’était le divin enfant ! Il est aussi un grand pari manqué. Karim Meïssa Wade, omnipotent fils de l’ex-chef de l’Etat, cristallise toutes les attentions et les rancœurs. Au-delà des audits qui planent sur sa tête, son avenir dans ce pays reste une énigme. La Génération du concret, piédestal de ses rêves de grandeur, s’effrite comme l’assemblage d’un puzzle. Aujourd’hui, une cohorte de courtisans de cette nébuleuse crache sur sa tombe politique, d’autres se prévalent de leurs critiques prophétiques pour décrocher le beau rôle. Il est devenu…une peste. Certains dont la proximité avec Karim Wade ne fait aucun doute, renient leur amitié. D’autres thuriféraires dont l’intérêt, l’ambition baillonnaient, donnent un libre vol à leur rancœur.
Karim Wade reviendra-t-il sur scène ? Choisira-t-il de céder aux sirènes qui l’incitent à quitter la vie publique pour une existence confortable hors du Sénégal ? Les audits sont une aubaine pour rétablir son honneur. Pour l’instant, il n’a plus de support. La Gc est en vrac.
Le certificat de décès est tranchant comme un couperet : «Nom de la défunte : Génération du Concret. Age : 5 ans. Date de décès : 25 mars 2012.» Le rapport de l’autopsie du cadavre est plus édifiant. Pourtant, du temps de sa splendeur, presque personne n’avait jamais moufté sur sa viabilité, tant elle était séduisante, semblait pleine de vigueur. Ça et là, la foule de courtisans s’employait à lui arracher un sourire. Dans sa forme, elle est un planning chronométré, un échafaudage polyvitaminé, promise à un avenir en lettres d’or, magnifiée qu’elle était par sa ceinture humaine. Dans son essence, elle est «ce qui se fait de mieux en termes lobby. Le top du top du réalisme». Fécondée par Karim Wade, parrainée par Abdoulaye Wade, la Gc allait recevoir l’adoubement d’une masse à l’ambition galopante. Pour faire court, elle est désormais la Gc, aire de jeux très prisée par les puceaux en politique qui cajolaient le rêve de subir les impulsions d’un trampoline vers le sommet (de l’Etat ?). Au final, Ils en ont tous pris plein la pomme. Du chef au dernier lampiste. «La Génération du Concret n’était concrète que dans le flou. Elle n’avait pas d’avenir», dixit Adama Bâ. L’oraison funèbre est de Adama Bâ, qui en a été un fervent partisan. Le requiem vient clore les péripéties de sa brève existence. L’albatros a piqué du nez.
Il n’est pas loin le temps où ils filaient vers le sommet à une vitesse supersonique. Aujourd’hui, ils chevauchent des tortues. Le cortège de thuriféraires hoquète son dépit. Et Adama Bâ s’attendait au genre de mort qui justement abattit la Génération du Concret. Au commencement, gravitait autour de Karim toute une galaxie d’hommes et de femmes aux offices divers. Aujourd’hui la famille s’est éparpillée comme une volée de moineaux et les frères et sœurs de case ont connu des fortunes diverses. A la droite du «seigneur», siégeait Abdoulaye Baldé, alors directeur exécutif de l’Anoci. Sa mission était de concrétiser, au propre comme au figuré, les infrastructures pour la réussite de l’Oci. Le charme du duo de choc est rompu. La preuve, devant l’imminence des audits, le papa de Karim est venu à la rescousse, soulignant que Baldé restait dans l’ombre alors qu’il était le Directeur exécutif de l’Anoci.
Amy Diouf elle, est vendue comme conceptrice du document fondateur de la Gc. Aujourd’hui, elle veut recadrer le débat sur son appartenance ou non à la Gc. Celle qui a même commis un bouquin (L’intruse du Palais) sur son compagnonnage avec Karim Wade tranche net : «Je n’ai jamais été de la Génération du Concret. J’ai travaillé avec Karim Wade. Sans plus.» Adama Bâ, alors maire de la commune de Fass-Gueule Tapée-Colobane et ex-chantre convaincu de la Gc pouvait affirmer : «En vertu des dispositions constitutionnelles, Karim présente toutes les dispositions pour perpétuer l’œu vre de son père.» Aujourd’hui, l’ancien Pca de la Sicap (Société immobilière du Cap Vert) ne nourrit plus ses illusions et reconnaît : «Quand j’affirmais cela, c’était avec une ferme conviction. Mais lors de la préparation du sommet de l’Oci, Assane Bâ et son groupe avaient fini de convaincre Karim en le persuadant que la Gc n’avait aucune chance d’émerger avec les forces politiques existantes. Ils voulaient faire sans la base du Pds. Je n’étais pas d’accord avec cela parce que la Gc ne pouvait se rassurer qu’en s’appuyant sur le Pds.» Adama Bâ conclut : «C’est fini pour la Gc.»
Finie l’époque de l’union sacrée autour de la Gc. Où son image était précieusement rabotée par Cheikh Diallo, chargé de communication de l’Anoci, compagnon de Karim Wade. Sollicité, il sert sa réponse : «Je ne donne pas d’interview et je ne parle pas de la Génération du Concret.» Bachir Diawara autre figure de proue de la Gc s’est effacé. Le mot de ralliement n’opère plus. Pis, il révulse même ceux qui le fredonnaient allégrement. Un lâchage en bonne et due forme en plein naufrage ? Adama Bâ dit ses certitudes : «Ce n’est pas un lâchage. Pas du tout. Il y a d’ailleurs longtemps que j’ai affirmé que la Gc n’était pas viable. Karim Wade a manqué de courage en n’allant pas affronter la base. En 2007 il n’a prononcé qu’une seule phrase en wolof : «Fi nio ko mome» (Ici, c’est notre fief). Après l’échec aux Elections locales de 2009, Wade avait dit que ce sont les collectivités locales qui avaient été vomies. Aujourd’hui il se rend compte de son erreur. Les membres de la Gc ont été très gourmands. Karim s’était entouré de gens ambitieux qui visaient le pouvoir.»
La pieuvre de la Gc qui avait ses tentacules jusqu’aux points les plus stratégiques de l’appareil d’Etat a vu celles-ci sectionnées net par le pouvoir. Aminata Niane, présentée en grande sympathisante est dé barquée de son poste de l’Apix. Awa Ndiaye, ancien ministre de la Famille perd ainsi sa garde rapprochée. Kalidou Diallo, ancien ministre de l’Education nationale, jurait sans ciller être en mesure de faire adhérer au moins 25 000 enseignants à la Gc. Après le grand lifting gouvernemental, Kalidou Diallo n’est plus aux manettes. Après avoir connu les fastes du pouvoir et goûté aux mets de choix en termes de postes cruciaux, les membres de la Gc souffrent d’un régime de pain sec et d’eau associé d’un soudain marasme.
Amadou Mactar Ndiaye, responsable de la plateforme nationale des étudiants de la Gc affirme que le lien affectif entre ses camarades et la Gc est rompu. Son propos est un reniement gerbé de colère : «Nous sommes plus de 5 000 jeunes qui le soutiennent mais Karim Wade ne veut pas nous dire ce qu’il compte faire. Nous l’avons sollicité à maintes reprises pour prendre langue avec lui afin qu’il nous dicte sa stratégie mais il ne prend même pas la peine de répondre. Au jour d’hui, nous avons épuisé tous les moyens pour avoir accès à lui. S’il a d’autres intérêts il n’a qu’à nous le dire et nous libérer. Aujourd’hui, tous les membres sont sur le point de quitter la Gc.» Las de rester pendus aux basques de l’invisible Karim, le contingent se lasse et décide de claquer la porte. Ama-dou Mactar Ndiaye re venant à la charge, me na ce : «Désormais, nous nous liguons contre Karim parce qu’il n’a aucune considération pour nous. Un jour, nous avons passé toute la journée à l’attendre devant sa maison au Point E. Quand il est arrivé, je me suis approché pour le saluer, mais ses gardes m’ont menacé avec une arme sur la tempe. C’est là que j’ai compris que pour Karim nous ne représentions rien.»
Elle est déjà surannée l’époque où la Gc défendait bec et ongles ses protégés, jetant du sable dans l’engrenage de la justice. Au plus fort des tourments, elle savait manœuvrer pour tirer ses membres du mauvais pas. Adama Bâ : «La Gc est une des causes de la défaite du Pds. Karim Wade en a subi le même sort parce que le Sénégal est un pays de rejet.» Il devra faire face à un autre front : l’audit des deniers publics.
LEQUOTIDIEN.SN