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Politique

EXCLUSIF SENEPLUS – ABDOULAYE BATHILY À PROPOS DE SON RÔLE DANS LA CRISE BURUNDAISE: "JE CONTINUERAI..."


Mardi 7 Juillet 2015

Membre du groupe de facilitation dans la crise au Burundi, Abdoulaye Bathily a pris part au sommet de la communauté est-africaine, tenu ce lundi à Dar es-Salaam et consacré à ce pays. Juste à la fin de la rencontre, il s’est confié par téléphone en exclusivité à www.Seneplus.Com. Le représentant du secrétaire général de l’ONU en Afrique centrale rend compte des décisions prises à cette réunion. Tout en clamant que la question de sa démissionn, demandée par le parti au pouvoir au Burundi, ne se pose pas.

Le parti au pouvoir au Burundi vous récuse en tant que médiateur dans la crise qui secoue ce pays et exige votre démission. Allez-vous céder à cette demande ?

Tout d’abord, je dois préciser qu’en tant que représentant spécial du secrétaire général des Nations Unies pour l’Afrique centrale, j’exerce un mandat qui couvre onze Etats, dont le Burundi. C’est en conséquence à juste titre que le secrétaire général m’a confié la tâche spéciale de me joindre à l’équipe internationale conjointe de facilitation comprenant des membres de l'Union africaine (UA), de la Communauté est-africaine et de la Conférence internationale pour les Grands Lacs (CIRGL) et deux ambassadeurs, un Kenyan et un Tanzanien pour appuyer les efforts de dialogue au Burundi. La question de ma démission ne se pose donc pas, puisque je n’étais pas le négociateur en chef et que je continuerai d’exercer le mandat général que le Conseil de sécurité a confié au Bureau régional des Nations Unies pour l’Afrique centrale, que je dirige.

Quelle était votre mission ?

Notre mission était de rechercher une solution consensuelle dans le but de mettre en place des conditions propices à la tenue d’élections libres, démocratiques et apaisées, en accord avec les décisions du Sommet de la Communauté Est-Africaine du 31 mai dernier et du Conseil de paix et de sécurité de l’Union Africaine du 13 juin. Nous avons eu des réunions avec les parties du 23 au 26 juin. Le gouvernement n’est venu qu’une fois à ces réunions tandis que le parti au pouvoir n’y a jamais pris part, indiquant qu’il était en campagne électorale. Malgré tout, nous avons écouté tout le monde et avons abouti à la décision, unanime au sein de la facilitation, de proposer le report des élections au 30 juillet.

Cette décision n’a pas été bien accueillie par le parti au pouvoir, qui reproche au groupe de facilitation dont vous étiez le porte-parole, notamment d’avoir "porté atteinte à la souveraineté" du pays en proposant le report des élections. Cette protestation n’est-elle pas légitime ?

Au fond, notre principal souci a toujours été d’aider le Burundi à exercer pleinement sa souveraineté dans un environnement serein. D’une part, nous avons proposé le report des élections en nous fondant sur les conclusions du sommet de la communauté est-africaine du 31 mai à Dar es Salaam, et sur celles du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine du 13 juin à Johannesburg. Ces instances proposaient la reprise du dialogue entre les Burundais, la prise de décisions consensuelles sur toutes les questions liées aux élections et le désarmement des milices armées. Le report aurait pu permettre de réunir toutes ces conditions pour la tenue d’élections libres, transparentes et démocratiques. D’autre part, la décision du Président Pierre Nkurunziza de briguer un troisième mandat a profondément divisé les Burundais et constitue la cause principale de la crise actuelle. Cette décision a divisé le pays et le parti ; elle a été rejetée par l’Assemblée nationale, le Comité des sages du parti au pouvoir et par les leaders religieux. Elle a causé le départ en exil de très hautes personnalités, comme le deuxième vice-président de la République, le président de l’Assemblée nationale, un membre de la Cour Constitutionnelle, des membres de la Commission électorale, etc. Tous ont affirmé craindre pour leur vie en raison de leur opposition au troisième mandat du Président Nkurunziza. Enfin, l’économie burundaise s’est dégradée de manière significative depuis le début de cette crise. Dans un pays qui a tant souffert de plus de deux décennies d’une guerre civile fratricide, qui demeure si fragile et qui dépend de l’aide extérieure pour 52% de son budget, est-il possible de parler d’exercice d’une quelconque souveraineté ? Sans traiter des questions susmentionnées, sans ramener la paix et la sécurité dans le pays, cela me paraît difficile.

Le gouvernement et le parti au pouvoir n’avaient-ils pas leur mot à dire à propos d’une proposition aussi importante que le réaménagement du calendrier électoral ?

Nous avons soumis nos propositions à toutes les parties, mais le gouvernement et le parti au pouvoir ont choisi de ne pas y répondre. À l’unanimité, l’équipe de facilitation a conclu que, au regard de la situation, les conditions d’une élection libre et transparente n’étaient pas réunies. Malgré tout, le parti au pouvoir a maintenu la tenue des législatives, le 29 juin dernier. C’est ainsi que nous avons, au terme de cette mission particulière, fait un rapport aux organisations qui nous avaient mandatés et appelé à la responsabilité politique et morale des chefs d’Etat de la région pour qu’une initiative urgente de haut niveau soit menée en direction du Burundi. D’ou le Sommet de ce jour.

Faut-il désespérer du Burundi ?

La situation politique et sécuritaire continue de se dégrader. Pour preuve, il y a un important afflux de réfugiés dans les pays voisins. À ce jour, on compte plus de 140 000 réfugiés dont la moitié se trouve en Tanzanie, presqu’autant au Rwanda et le reste en République démocratique du Congo. Et le mouvement continue. Il règne un climat de peur et de terreur au sein de la population. Il y a de profondes divisions entre les acteurs politiques. L’armée est divisée, et le coup d’État du 5 mai dernier est une illustration. Au sein même du parti au pouvoir, il y a des divisions, comme je l’ai expliqué tout à l’heure.

Vous avez pris part au sommet de la communauté est-africaine, qui s’est tenu ce lundi à Dar es-Salaam. Qu’est-ce qui est ressorti de cette rencontre ?

Nous venons de terminer le sommet auquel ont pris part les présidents tanzanien (Jakaya Kikwete) et ougandais (Yoweri Museveni) ainsi que les représentants des autres État membres. Il a été décidé la nomination du Président Museveni comme facilitateur de haut niveau pour le Burundi ; le désarmement des milices ; le déploiement de mécanismes régionaux de vérification afin d’enquêter sur la présence alléguée d’éléments des FDLR au Burundi ; le report de la présidentielle au 30 juillet ; la formation d’un gouvernement d’union nationale après la présidentielle ; le respect les Accords d’Arusha et la Constitution et l’envoi d’une mission d’observation électorale de la Communauté est-africaine pour la présidentielle. Enfin, le Sommet a demandé à l’UA d’endosser ces décisions.

Ces mesures vous semblent-elles pertinentes ?

Ces mesures sont venues trop tard et me semblent insuffisantes. Tant que le problème de fond n’est pas réglé, c’est-à-dire la question du mandat, il sera difficile d’arriver à une solution durable.
SENEPLUS





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