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Opinion

EDITO DE SENEPLUS: AU GRAND THÉÂTRE JUDICIAIRE Par Serigne Saliou Guèye


Mardi 21 Juillet 2015

Le procès Habré est une mascarade destinée à satisfaire ses commanditaires. On n’a pas besoin d’être un vaticinateur pour prédire l’épilogue de cette tragi-comédie
C’est ce lundi que le simulacre procès de Hissène Habré, l’ex-Président tchadien de 1982 à 1990, s’est ouvert en présence des ambassadeurs de certains pays occidentaux. Ainsi après plusieurs tripatouillages du code pénal et du code de procédure pénale du Sénégal, notre pays, sous la férule des Occidentaux, organisent le procès de la mascarade.

De 2000 à 2010, les requêtes des conseils des associations des victimes de Hissène Habré et leurs bailleurs de Human Wright Watch ont été rejetées successivement par les juridictions sénégalaises et la Cour de justice de la CEDEAO. Il a fallu une pression de Bruxelles, qui s’est référé à la Cour internationale de justice, pour que l’Union africaine s’aplatisse pour mettre en place les Chambres africaines extraordinaires en 2012.

Ce que le président Abdoulaye Wade a toujours refusé quitte à atermoyer, louvoyer, Macky Sall l’a accepté à son corps défendant. Aujourd’hui, il a hérité de ce dossier judiciaire complexe au point d’accomplir ce que les Occidentaux et leurs valets locaux, tapis dans de prétendues organisations des droits de l’homme ont toujours rêvé, c’est-à-dire voire Habré finir ses jours en taule à défaut de le faire passer au peloton d’exécution.

Il faut rappeler au préalable que des plaintes avaient été déposées à Dakar contre l'ancien Président tchadien en 2000. Une instruction avait même été ouverte. Hissène Habré a été à cette époque formellement inculpé par Demba Kandj. Mais, tour à tour, la Chambre d’accusation de la Cour d’appel de Dakar puis la Cour de cassation du Sénégal ont annulé les poursuites au motif que les juridictions sénégalaises de droit commun n’étaient pas compétentes pour juger les crimes et les infractions de torture reprochées à Habré, celles-ci ayant été commises hors du territoire sénégalais.

Les prétendues associations de victimes et les organisations des droits de l'homme s’étaient également tournées vers la Belgique en invoquant la loi sur la compétence universelle. L’extradition avait même été demandée. Mais le Sénégal fit abstraction d’une telle requête.

C’est ainsi qu’après la mise en place d’un quarteron de juristes que la machine judiciaire contre Habré s’est emballée. Le Sénégal va jusqu’à violer sa Constitution en y intégrant des dispositions qui lui permettraient de pouvoir juger l’ex-Président tchadien sur son sol. C’est donc dire que le Sénégal a remis en cause le principe de non-rétroactivité des lois pénales et ce, après la modification de sa Constitution pour se conformer à ses obligations internationales. Mais après une saisine de la Cour de justice de la CEDEAO par les conseils de Habré, l’instance juridique communautaire rendit le 18 novembre 2010 un arrêt dans lequel elle condamne et ordonne au Sénégal le respect du principe absolu de non-rétroactivité.

Mais ces lois datant de 2007 ne peuvent pas, par voie de conséquence, s’appliquer à des faits datant d’avant 2007 à cause du principe de non-rétroactivité des lois pénales. Malgré cette injonction de la Cour de Justice de la CEDEAO, le Sénégal, sous la pression des bailleurs de cette comédie judiciaire, est décidé avec la mise en place illégale d’une Cour hybride de juger l’ex-homme fort de Ndjamena.

Justice à géométrie variable

À partir de là, pourquoi cette même règle de la rétroactivité ne pourrait-elle pas s’appliquer pour la CPI et permettre à ses juges d’enclencher des poursuites contre Georges Bush, qui a détruit l’Irak, Benjamin Netanyahou, qui a utilisé l’arme chimique contre les Gazaouis, et Tony Blair ? Mais la justice internationale est une justice à géométrie variable et ce qui est valable pour les présidents négrillons comme Habré, Gbagbo, Taylor, Bemba, Omar El Béchir ne l’est pas pour leurs homologues occidentaux qui détiennent l’avoir, le savoir et le pouvoir au point de tuer, torturer impunément.

Mais il ne faut pas qu’on se leurre. Ce procès est une mascarade destinée à satisfaire ses commanditaires. Et pour ce faire, les CAE ont même violé les dispositions de la CNRA qui avaient formellement interdit la retransmission télévisée du procès. Oui il faut filmer et permettre aux maitres blancs de suivre cette parodie procès où tout sera dit sauf le droit. On n’a pas besoin d’être un vaticinateur pour prédire l’épilogue de cette tragi-comédie.

L’un des acteurs de cette pièce burlesque est le procureur général des CAE, Mbacké Fall, qui, à tout-va, déblatère contre Hissène Habré. À travers ses dernières sorties malheureusement, on perçoit le contenu de l’arrêt qui scelle à minima le sort de l’ex-Président tchadien à 30 ans de prison. Ce qui veut dire que faute d’une peine capitale, on gardera Habré le restant de ses jours en prison car même avec 30 ans de prison, il aura 103 ans quand il sortira de prison. Ce serait un miracle avec son état malade, de voir l’ancien président tchadien vivre 30 ans encore en prison.

La France, qui n’a jamais digéré que Habré ait combattu dans les années 80 victorieusement le plan de partage du Tchad au niveau du 16e parallèle concocté avec la Libye, tient aujourd’hui sa revanche. En 1989, le Tchad qui a relativement retrouvé la paix entame, sous la conduite de son alors Président, un travail de reconstruction du pays littéralement défiguré par la guerre. Habré engage le projet d’exploitation pétrolière mais refuse l’entrée du groupe français Elf dans le consortium pétrolier essentiellement américain. Cette éviction restera en travers de la gorge des Français qui n’ont jamais accepté qu’une de ses anciennes colonies l’écartât de l’exploitation pétrolière au profit des Américains.

À cela s’ajoute le refus catégorique de Hissène Habré d’acquiescer à l’oukase du Président français François Mitterrand qui enjoignait aux chefs d’Etat africains, lors du sommet de la Baule en 1990, d’instaurer le multipartisme dans leur pays respectifs s’ils veulent bénéficier de l’aide au développement. En sus, la France n’a jamais oublié ses humiliations au Tchad avec l’enlèvement des époux Claustre et de l’exécution afférente du commandant Galopin même si on veut faire croire à l’opinion que la France et les États-Unis ont toujours soutenu Habré pour faire face aux visées expansionnistes et annexionnistes de Kadhafi.

Il ne faut pas oublier que dans une guerre seule la victoire compte et que tout pays en situation de guerre se donnera les moyens, fussent-ils machiavéliques, voire anti-conventionnels, pour la gagner. Israël n’a-t-il pas utilisé des bombes au phosphore durant la guerre contre le Hezbollah au Liban en 2005 ?

Deby, l’auteur des boucheries sordides

Ces CAE sont taillées sur mesure pour condamner Hissène Habré. Curieusement la sphère des poursuites est circonscrite dans la période temps 1982-1990, soit les années pendant lesquelles Habré a régné en tant que chef de l’État tchadien. Et pourtant de 1963 à 1990, le Tchad est en proie à des rébellions armées meurtrières. C’est dire que tout a été concocté pour envoyer Habré à l’abattoir.

Si comme le soutiennent ses accusateurs, des massacres et des tortures ont été commis sous son règne, qu’en est-il de la Libye qui, voulant annexer la bande d’Aouzou, a exterminé des milliers de Tchadiens ? Que dire du Soudan, de la France, des Etats Unis et du Nigeria qui ont participé en logistique, expertise, argent et militaires dans la guerre civile tchadienne ? Et Idriss Deby, patron de la police politique, la Direction de la Documentation et de la Sécurité (DDS) ? Si Habré était donneur d’ordre, lui Deby était l’exécutant des besognes sordides.

Les arguties d’Assane Dioma Ndiaye et de Reed Brody de Human Wright Watch, avocat des victimes présumées de Hissène Habré, selon lesquelles tout le monde ne peut pas être inculpé dans ce genre de procès qui fonctionne sous le principe de la subsidiarité, ne résistent au droit. C’est pour dire que Deby, le bailleur de ce procès à hauteur de 4 milliards, ne peut et ne doit être inquiété.

La vérité est que «qui paie commande». Et dans ce procès, c’est Déby qui paie les 50%, l’autre moitié est assurée par les Occidentaux et l’État du Sénégal. Dès lors, ce serait une entreprise vaine que d’exiger la comparution de Deby. Pourtant à la fin de l’année 1993, Amnesty International dresse le bilan sanglant des trois premières années du tombeur de Hissène Habré.

Le rapport fait état que «la terreur règne toujours. On continue de repêcher des cadavres dans les eaux du Chari, le fleuve qui arrose Ndjamena. Plus de 800 personnes ont été exécutées de façon extra-judiciaire. Quels que soient ses mots d’ordre, le gouvernement d’Idriss Deby utilise aujourd’hui les méthodes de répression dont il disait vouloir débarrasser son pays à l’époque où il luttait contre le régime de Hissène Habré. Les assassins, les tortionnaires, les ravisseurs qui sévissent au Tchad appartiennent aux forces de sécurité de Idriss Deby».

On vous épargnera ses boucheries sanglantes effectuées à Sarh, Moissala, Koumra, Doba, Béboudja, Moundou, Kelo, Laï pendant les années 80.

Aujourd’hui Hissène Habré, nonobstant les injonctions comminatoires du Président des CAE, refuse de prendre part à cette comédie judiciaire dont se délectent ses pourfendeurs blancs et contempteurs nègres. Ainsi pendant des mois, des témoins-histrions subornés, des pseudo-victimes, des avocats stipendiés défileront pendant plusieurs semaines devant les magistrats-inquisiteurs des CAE dans le grand Théâtre judiciaire pour donner un vernis de justice à cette parodie de procès et légitimer un verdict connu déjà de tous et prononcé de la bouche du procureur général Mbacké Fall et de celle de son patron, Sidiki Kaba, le ministre de la Justice.
SENEPLUS






1.Posté par VANA le 21/07/2015 18:50
Très, très juste ! Félicitations !

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