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Société

Décryptage d’Alioune Sall, directeur de l’Institut des futurs africains basé à Pretoria :

«Le combat contre le terrorisme est loin d’être gagné»


Vendredi 13 Novembre 2015

De loin, l’on aperçoit sa tignasse, une chevelure abondante, toute blanche. Alioune Sall, directeur de l’Institut des Futurs africains (Afrique du Sud), est l’un des nombreux «Think tank», laboratoires d’idées ambulants, qui brillent de lumière. De près, ce Sénégalais très versé dans les questions liées au terrorisme, a ébloui les participants du Forum sur la paix et la sécurité par la froide justesse de ses analyses. Il s’est confié à L’Obs.


Décryptage d’Alioune Sall, directeur de l’Institut des futurs africains basé à Pretoria :

 De loin, l’on aperçoit sa tignasse, une chevelure abondante, toute blanche. Alioune Sall, directeur de l’Institut des Futurs africains (Afrique du Sud), est l’un des nombreux «Think tank», laboratoires  d’idées ambulants, qui brillent de lumière. De près, ce Sénégalais très versé dans les questions liées au terrorisme, a ébloui les participants du Forum sur la paix et la sécurité par la froide justesse de ses analyses. Il s’est confié à L’Obs.

Quelle lecture faites-vous des différentes interventions entendues lors de ce forum sur la paix et la sécurité en Afrique ?

La lecture est multiple : la première des choses, c’est que les problèmes de sécurité, de paix, sont des problèmes complexes. Parce qu’ils se trouvent à l’intersection de dynamiques qui tiennent à la fois de l’économique, du social, du politique, du culturel, de l’environnemental et du technologique. Et parce qu’ils sont à la fois dynamiques et multidimensionnels, on ne saurait en faire une lecture unilatérale et simpliste. Il faut donc avoir une approche systémique, dynamique de ces problèmes de paix et de sécurité, plutôt qu’une approche unilatérale. Le second point, c’est que pour régler ce problème de paix et de sécurité, il est important d’en venir à bout. Parce que l’insécurité et l’instabilité sont certainement antinomiques avec le développement. D’autant que le développement suppose la paix et une conjonction d’efforts suppose qu’il y ait une action qui s’inscrit dans la durée, alors que l’insécurité et la paix ne permettent pas une telle rigueur dans l’action, une telle robustesse dans l’analyse. Le troisième constat que l’on peut faire, c’est que la bataille est loin d’être gagnée, parce qu’il y a encore un certain nombre de défis à relever et qui sont au nombre de trois : le premier est un défi d’ordre conceptuel : on parle de lutte contre le terrorisme. On parle aussi du terrorisme après les événements du 11 septembre 2001, quand le Président Bush a déclaré la guerre au terrorisme. Depuis lors, on en a fait un thème fort de l’agenda mondial. Aujourd’hui, on ne parle plus que ça, parce qu’on se rend compte que l’approche n’était pas fructueuse, on parle désormais de l’extrémisme violent. Et donc, il y a un glissement sémantique qui s’est opéré depuis 2001, et ce glissement correspond à une appréciation de la complexité du phénomène. N’oublions pas que ceux qui sont considérés comme des terroristes ont une lecture du monde, de l’avenir du monde, des dynamismes de transformation et c’est leur lecture qu’ils essaient de proposer à ceux qu’ils endoctrinent. Le second défi est d’ordre communicationnel. Une guerre ne se gagne jamais avec une seule partie ou avec une seule fraction sociale. La guerre est une chose trop sérieuse pour être laissée aux seuls militaires. Une guerre ne se gagne pas qu’avec des moyens militaires, elle se gagne avec des moyens politiques et culturels. Et pour cela, il faut une plateforme de discussion qui permette à plusieurs acteurs de comprendre quels sont les enjeux, pour discuter et trouver les voies et moyens les plus adéquats pour venir à bout du problème en question…Aujourd’hui, dire que la priorité doit être la lutte contre le terrorisme, comme c’est le cas actuellement, c’est une façon, à mon avis, très limité de poser les problèmes et qui manque d’ambitions. Je suis plutôt pour une vision qui consiste à dire : il nous faut bâtir la paix et à travers elle, une vision positive. Le troisième défi est d’ordre opérationnel…

«Dans certains pays, la violation des droits humains a été un élément de radicalisation»

Y a-t-il un lien entre droits de l’Homme et terrorisme ?

Il est certain que dans certains pays, la violation des droits humains a été un élément de radicalisation. Les faiblesses en matière de gouvernance, les manipulations des Constitutions, le caractère exacerbé des régimes présidentialistes, le renforcement du pouvoir exécutif au détriment des pouvoirs législatif et judiciaire…, ce sont là des choses qui ont contribué, dans certains pays, à la radicalisation. Donc, il n’y a pas une seule cause, mais il est certain que dans certains pays, les violations des droits humains ont été une cause de radicalisation. Vous ne serez pas surpris que demain au Burundi, il y ait un phénomène de radicalisation, parce que la violation des droits humains y est un fait quotidien. Donc, il n’y a pas de lien unique ou automatique, mais des éléments et des facteurs contributifs au développement du terrorisme.

Est-ce que les réponses africaines évoquées ça et là pour éradiquer le terrorisme vous semblent pertinentes ? 

Il y a des réponses qui sont proposées. J’ai dit tantôt que la plupart de ces réponses sont de type réactif. Il y a une crise, nous essayons de réagir et avons des attitudes de sapeurs-pompiers. Le feu se déclare, il faut l’éteindre : De telles stratégies sont de type réactif. Elles sont utiles, mais elles ne sont pas suffisantes et la plupart des stratégies africaines s’inscrivent dans ce cadre. Certaines d’entre elles commencent cependant à être plus ambitieuses et sont de type très actif. Ce sont toutes les stratégies de prévention, par le biais du renseignement : avoir une meilleure information sur ce qui se passe sur le terrain, quels peuvent être les sources etc. et essayer de couper à la source les éléments qui nourrissent le terrorisme. Ce sont des stratégies de type pré-actif ou pro-actif.

Des imams ont été arrêtés et placés sous mandat de dépôt parce qu’ils faisaient l’apologie du terrorisme, quelle analyse faites-vous de ces arrestations ?

Je n’ai pas vu les chefs d’inculpation, je ne sais pas ce qu’on leur reproche, mais une accusation n’est pas une preuve. Je suis d’une école où on est présumé innocent jusqu’au moment où on est déclaré coupable. Je ne peux pas me prononcer sur leur degré de culpabilité, j’en suis incapable. Mais ce que je peux dire par contre, c’est qu’une religion, quelle qu’elle soit, est un système de croyances et adossé à des pratiques. Lorsque les pratiques constituent une menace à la liberté des uns ou des autres, je crois que nous ne sommes plus dans le cadre de la religion. Parce que ma conception de la religion, c’est que Dieu n’a pas besoin d’être protégé par qui que ce soit. Il est suffisamment fort pour se protéger Lui-même et de ce point de vue, je dirai que Dieu n’a pas besoin de religion, il n’a pas besoin de défenseurs pour se protéger. Alors, ceux qui se cachent derrière l’idée qu’ils doivent défendre Dieu, à mon sens, se donnent beaucoup trop d’importance, parce que Dieu n’a pas besoin d’eux pour se défendre.

Cela vous a-t-il surpris d’apprendre ces arrestations d’imams au Sénégal ?

Non, je ne suis pas surpris, je ne vois pas pourquoi le Sénégal serait à l’abri de ce qui se passe dans les autres pays. L’idéologie ne connaît pas les frontières




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