Connectez-vous
Société

DEFAUT DE PRISE EN CHARGE, CALOMNIE, SOLITUDE, TENTATION… Dans l’enfer des épouses de détenus


Lundi 22 Décembre 2014

Les épouses des détenus souffrent en silence. Confrontées à de nombreuses difficultés, surtout économiques, elles sont tenues de se battre pour prendre en charge les charges de la maison et assister leurs maris en prison. L’Observateur a «violé» l’intimité de ces dames qui vivent dans l’enfer.

Attrait à la barre du Tribunal correctionnel de Louga pour le délit de tentative d’évasion, le prévenu Ibou Faye, tête basse, voix chagrinée et le geste lent, a servi au représentant du Ministère public un discours qui a arraché des larmes à une partie du public : «Ma femme enceinte de 9 mois devant accoucher, j’avais senti l’urgence de lui porter assistance, car elle n’avait aucune assistance. C’est pourquoi, j’ai tenté de m’évader de la prison pour venir à son chevet. Je demande pardon, je sais que j’ai fauté, mais mon intention était de l’assister.» Et le sieur Faye de poursuivre pour mieux toucher la fibre sentimentale des juges : «Elle a même accouché d’un mort-né.» Cette amende honorable du pensionnaire de la Mac de Louga en dit long sur les difficultés auxquelles sont confrontées les épouses des détenus. Celles-ci, faisant face à de nombreux problèmes qu’elles peinent à surmonter souffrent stoïquement. Arame, une vendeuse de fripe ayant pignon sur rue au marché central de Louga, fait partie de ces dames qui vivent cet enfer. Moulée dans une taille basse en wax, le foulard négligemment posé sur une tête noyée dans une perruque, elle est assise sur une table en zinc en face d’une pile d’habits et se confie : «Mon mari est emprisonné à Thiès depuis plus de 6 mois. Il doit purger une peine de 2 ans. Il n’avait pas eu la chance de faire des économies, donc je suis obligée de travailler dur pour assurer les charges de la famille, mais surtout lui envoyer de temps à autres de l’argent afin qu’il puisse résister à cette épreuve.» Seulement, Arame reconnaît qu’elle est en train de traverser la période la plus dure de son existence : «Certes, nous nous battons, mais il faut reconnaître que c’est très dur de rester des mois sans voir son mari, surtout quand ce dernier a maille à partir avec la Justice. En dehors des difficultés d’ordre financier et de la solitude, nous devons faire face aux regards des autres. Dans la rue, nous sommes pointés du doigt. Certains n’hésitent même à nous demander en public les nouvelles de notre mari.»

La belle famille dans la danse

Contrairement à Arame qui vit toujours dans la maison de son mari, Ndèye Absa, épouse d’un geôlier condamné à 2 ans pour «Offre et cession de chanvre indien», habitait dans la maison de sa belle famille. «Mon mari a fait plus d’une année en prison. Au début de son incarcération, je travaillais comme lavandière. J’amenais à la maison tout ce je gagnais, car j’étais tenue d’apporter à manger à mon époux. Au bout de quelque temps ses parents ont commencé à me faire la guerre. Pour eux, je suis la responsable des malheurs de mon mari. Mon gendre m’a ouvertement dit que si son fils vend de la drogue, c’est parce que je le fais vivre au dessus de ses moyens. Ce qui était faux. Finalement, j’ai décidé de quitter cette maison pour retourner chez mes parents. Mais, si cela ne dépendait que de moi, je vivrais cette dure épreuve jusqu’à son retour.» En effet, trouvant goût à nos échanges, elle ajoute tirant toujours la couverture de son côté : «Certaines femmes à cause des difficultés qu’elles traversent n’hésitent pas à emprunter le mauvais chemin. La tentative est réelle. Les hommes sachant que ton mari est dans les liens de la détention et que tu es dans le besoin vous font toutes sortes de propositions, si tu acceptes une seule fois, tu as mordu à l’hameçon pour de bon. Je connais des épouses de détenus qui ont fini par embrasser la prostitution parce qu’elles étaient dans l’impossibilité de satisfaire leur minimum vital.»

Les limites de la patience

A l’image de Ndèye Absa et d’Arame, Coumba (nom d’emprunt) fait elle aussi face à l’incarcération de son mari, condamné à 4 ans pour le délit de trafic de chanvre indien. Cette dernière qui dit avoir vivoté avec ses enfants pendant des années à cause des séjours carcéraux répétés de son époux soutient qu’elle est à bout de souffle : «Mon mari est à sa troisième condamnation. Il ne connaît pas mon enfant âgé de 4 ans. Depuis 8 ans, nous n’avons pas passé une année entière ensemble. J’aime bien mon mari, mais la pression est forte surtout du côté de mes parents qui me reprochent de suivre un homme qui est toujours en conflit avec la loi. La patience a des limites. J’étais au tribunal ce matin (hier) pour voir le greffier, mais un de ses amis m’a conseillé d’attendre sa sortie pour entamer la procédure de divorce. Je ne veux pas faire des choses regrettables. Je commence à prendre de l’âge (elle a 42 ans). Il faut que je mène enfin une vie rangée.»

L'OBS





Nouveau commentaire :
Facebook

Senxibar | SenArchive | Sen Tv | Flash actualité - Dernière minute | Politique | Société | Economie | Culture | Sport | Chronique | Faits Divers | Opinion | International | Sciences et Santé | Médias | Ils l'avaient dit | Emploi | Ramadan | Perdu de vue | Echos du tribunal | A la une | Achaud | resultats2012 | JOB | Theatre