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Opinion

Contribution: Qui a peur d'Abdoul Mbaye? Par Xavier DIATTA, Aviateur


Mardi 1 Mars 2016

Abdoul Mbaye a signé le mercredi 24 février un article intitulé «Mes raisons de voter Non». C’était une prise de position à deux temps, le titre est allé au second. Il aurait pu tout aussi bien l’intituler «l’inopportunité du référendum». C’est son choix.

L’article n’est pas passé inaperçu. Les citoyens s’en sont emparés, quelle que soit par ailleurs leur position sur le référendum. Les journalistes aussi. Les hommes politiques également.

Moi aussi, en tant que citoyen et me définissant comme «spectateur engagé», pour reprendre la belle formule de Raymond Aron, je ne suis pas resté insensible à l’article et aux réactions qu’il entrainées de la part de citoyens, de journalistes et d’hommes politiques.
 Les réactions approbatrices sont nombreuses, je le laisse les savourer. Les réactions critiques sont également nombreuses ; elles m’intéressent.

Abdoul Mbaye s’oppose-t-il pour s’opposer en votant Non ?

Ce n’est pas l’impression qu’il me donne. Au contraire, il argumente, il raisonne, il démontre, il n’est ni dans l’invective, ni dans les effets de manche.

Premièrement, il montre de façon limpide que, même pour ceux qui vote Oui, le référendum n’a plus aucune urgence, car le point nécessitant inéluctablement un référendum, celui portant sur la durée du mandat du président de la République, ne l’est plus étant donné que le mandat actuel court jusqu’en 2019, suite à l’avis du Conseil constitutionnel. Franchement, je n’ai pas personnellement compris les raisons d’organiser en un mois un référendum sur quinze points ?

Que ceux qui les connaissent me le disent au lieu d’invectiver et d’insulter.

Deuxièmement, il propose, au nom du nécessaire débat républicain et pour économiser les rares ressources du pays, d’organiser alors le référendum sur le seul point du mandat du président de la République en même temps que les élections législatives de 2017 et de faire passer les quatorze autres points à l’Assemblée nationale, à tout moment, pourvu que l’exécutif et le législatif s’entendent sur l’agenda.

Que ceux qui ne sont pas d’accord avec ces deux propositions disent pourquoi, au lieu d’invectiver et d’insulter. L’invective et l’insulte sont les armes des faibles.

Troisièmement, si et seulement si son conseil au président de la République n’est pas entendu, et que le référendum se tienne malgré tout le 20 mars, il votera Non. Et avec la même clarté, il explique les raisons de ce Non :

- La Constitution du Sénégal ne mérite pas d’être modifiée une énième fois, dans la précipitation, en cours de période de révision des listes électorales, avec une procédure budgétaire d’exception, et sans délai suffisant pour permettre d’en expliquer les raisons au peuple souverain appelé à s’exprimer ;

- D’autres propositions de la CNRI, tout aussi importantes- il en cite huit- méritent d’être prises dans la révision constitutionnelle.

Sa décision de voter Non, comme toute prise de position politique est approuvée par certains et désapprouvée par d’autres, toujours en toute liberté. C’est l’honneur de la démocratie.

Abdoul Mbaye, en votant Non in fine, fait-il preuve d’ingratitude vis-à-vis du Président Macky Sall ? 
Cette accusation est proférée par certains Sénégalais et hommes politiques. 
Dans d’autres démocraties, peut-être plus avancées que la nôtre, poser la question aurait été saugrenue. Chez nous, acceptons qu’elle soit légitime, le Chef étant presque de droit divin et étant paré de tous les attributs de l’infaillibilité.

Dans le long apprentissage des bonnes pratiques démocratiques, il nous appartient, nous citoyens, de rappeler à nos concitoyens et aux hommes et femmes politiques, que, après Dieu, seule la Patrie a droit à une fidélité absolue, pas son Chef. Pour être clair, en politique, un patriote ne doit une fidélité absolue qu’à sa Patrie. Lorsqu’il a la conviction intime que le chef, fût-il suprême, se trompe, il doit le dire. Sinon, il fait preuve de lâcheté vis-à-vis de son peuple.

Sans aucun doute, toute personne nommée par une autre doit de la gratitude à celle qui l’a nommée ; mais il ne saurait s’agir de fidélité absolue, aveugle et éternelle. Celle-ci n’est due qu’à sa Patrie, seule constante, tout le reste n’est que variable, pour paraphraser une certaine classe politique sénégalaise. Remémorons-nous quelques exemples de courage politique ailleurs, qui seraient ingratitude pour certains chez nous :

- Le Non de De Gaulle en 1940 à Pétain, le Vainqueur de Verdun, son mentor ; un Non qui sauva la France et son honneur ;

- «L’appel de Rome» de Georges Pompidou en janvier 1969, que certains considèrent comme un des facteurs de l’échec du référendum de 1969 et cause de la démission de Charles de Gaulle ;

- Le «lui c’est lui, moi c’est moi» de Laurent Fabius, jeune Premier ministre de François Mitterrand, pour manifester son trouble après l’invitation lancée par celui-ci au général Jaruzelski, président de la République populaire de Pologne, alors que ce dernier réprime la contestation du syndicat Solidarność, conduit par Lech Wałęsa.

- Le «notre pays n'est pas un paillasson, sur lequel un dirigeant, terroriste ou non, peut venir s'essuyer les pieds du sang de ses forfaits» prononcé par Rama Yade, secrétaire d'Etat chargée des Affaires étrangères et des Droits de l'homme, pour manifester son opposition à la visite de Khadaffi en France en décembre 2007.


Là-bas, ces manifestations de désaccords d’un ministre ou ex-ministre sont vues comme des actes de courage politique, de sincérité et de fidélité à ses convictions et à ce qu’on estime bien pour son pays ; ici, certains, j’espère peu nombreux, les prennent pour de la déloyauté et de l’infidélité. 
Et puis, disons-le, Abdoul Mbaye doit à Macky Sall de l’avoir désigné comme Premier ministre, mais il ne lui doit pas tout, il ne lui doit que cela. Il a été un Premier ministre atypique dans notre sérail politique. Il n’a jamais vécu de la politique, n’a pas fait carrière et fortune sous les ors et les lambris de la République. Il a été nommé Premier ministre après une brillante vie professionnelle bien remplie au service du Sénégal et de l’UEMOA commencée en 1976. Cette carrière lui a valu gloire et, dit-on, fortune. Lui-même dit souvent devoir gratitude et reconnaissance au Président Macky Sall ; mais rajoutons, point servilité ; il n’avait rien demandé et n’était candidat à rien. D’ailleurs, en politique, comme dans bien d’autres domaines, c’est celui qui nomme qui a besoin de celui qu’il nomme.

Les réactions à l’article d’Abdoul Mbaye, sont-elles à la hauteur ?

Presque pas de réactions argumentées sur la prise de position d’Abdoul Mbaye, à l’exception peut-être de deux sorties. Une sur les deux tours de scrutin. Malheureusement, son auteur n’avait pas vu que l’ancien Premier ministre mettait en garde contre les «esprits malins», qui pouvaient se glisser dans les interstices de la suppression de l’expression «scrutin à deux tours» à l’article 26, pour défendre de mauvaise foi la possibilité constitutionnelle d’un scrutin présidentiel à un seul tour ; une autre, qui se voulait plus aérienne et a invité une cohorte de sages chinois, mais s’est malheureusement perdue dans les méandres du Plan Sénégal Emergent, qui n’a rien à faire dans un débat sur la constitution. Un maître d’école aurait, sans appel, écrit en rouge «hors sujet».

Le reste n’est qu’attaques lourdes et insinuations douteuses sur sa personne ; rien de sérieux sur le sujet du moment : sa prise de position pour l’annulation du référendum du 20 mars et l’organisation d’un vote sans précipitation en 2017 sur le seul point nécessitant un référendum. A l’endroit de ceux-ci, je suis tenté de répéter les Saintes Ecritures «Pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font».

À ce stade, plusieurs questions me traversent l’esprit :

Pourquoi cette Sainte Alliance de politiciens professionnels et plumitifs zélés qui s’acharne sur la personne de Abdoul Mbaye, aujourd’hui simple citoyen sans troupes, muni de sa plume et de son envie irrépressible de voir un Sénégal mieux dirigé ?

Pourquoi faire taire un citoyen sénégalais, qui estime qu’il n’a plus le droit de se taire ?

Cherche-t-on à empêcher l’auteur de Servir, connu pour sa capacité de travail, sa rigueur et son intelligence, puisse demain- qui sait ?- s’adresser aux Sénégalais, qui ont appris à le connaître au cours des 17 mois qu’il a passés à la Primature ?
A-t-on peur de lui ?

Je vous le concède, vous répondrez à ces questions plus tard. Pour le moment, retournons au débat de fond sur le référendum.

Xavier DIATTA
 Aviateur,
Conseiller Départemental Ziguinchor

SENEPLUS





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