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Contribution: L’Insondable malheur du peuple syrien Par Nayé Anna BATHILY


Mardi 1 Avril 2014

SOS pour la Syrie ! Les citoyens, dévastés, appellent au secours : toujours pas de réponse. Telle est la dure loi des urgences internationales (et médiatiques), qui font passer au second rang, voire dans l'ombre, des crises pourtant dramatiques.

Les Pétromonarchies mises à part, la Syrie a été le dernier état arabe touché par la vague de «printemps» partie de la Tunisie. Trois ans depuis le début du conflit, l'histoire continue de s'y écrire dans le sang. La crise humanitaire syrienne serait d'une ampleur exceptionnelle. Si bien qu'en termes de besoins financiers, elle prendrait des fonds qui devaient être affectés à d'autres crises en cours, par exemple la Centrafrique.

Le compte rendu de l’ONU est terrifiant : des milliers de personnes ont été tuées ou blessées, des dizaines de milliers arrêtées, battues, torturées, violées, des atrocités et crimes contre l'humanité commis... Le tableau de la situation est une litanie d’horreurs. Les chiffres sont accablants : le Programme Alimentaire Mondial estime que 6,5 millions de personnes ont besoin d'une aide alimentaire et l’Unicef affirme qu’au moins 5,5 millions d'enfants y sont touchés.

La violence, l'effondrement du système éducatif et des services de santé, la profonde détresse psychologique et la détérioration de la conjoncture économique concourent à «dévaster une génération». 1,2 million d'enfants syriens sont désormais réfugiés hors du pays. Les femmes y vivent l'enfer. Elles se retrouvent dans la rue, mendient pour un bout de pain. Les filles se prostituent car il faut ramener à manger. Les gens ont faim et meurent de faim.

Dans la ville, «chaque carré de verdure est transformé en cimetière». Les enfants jouent sur les tombes. Ils ne vont plus à l'école, leur seul jeu, c'est la guerre…

L'incapacité du régime à étouffer la contestation ne l'a cependant pas privé de tous ses atouts. Aussi désagréable que cela puisse être pour certains, le régime tient. Il continue d'avoir à sa disposition un appareil militaro-sécuritaire qui a résisté jusqu'à présent à l'épreuve que constitue pour lui un soulèvement. L’extrême verticalité du pouvoir a préservé jusqu'à présent ce dernier d'un «coup de palais» semblable à celui qui a permis d'écarter Moubarak en Egypte.

Le régime syrien a aussi pu conserver ou regagner le contrôle des points stratégiques du terrain.

De plus, le régime se sait préservé aux Nations-Unies de la moindre ingérence décidée au nom de la protection des populations civiles par un double parapluie russe et chinois. La Russie, vieille alliée de la famille Al-Assad, a de gros intérêts en Syrie. C'est un marché très important pour ses ventes d'armes ; elle y dispose d'une base en Méditerranée, à Tartous.

La Chine, elle, est tout aussi hostile que Moscou à tout ce qui ressemble, de près ou de loin, à de l'ingérence dans les affaires intérieures d'un pays. L’autre vérité derrière cette position commune est une vérité toute simple : les régimes chinois et russe, ne supportent pas l'idée qu'un peuple se révolte contre ses dirigeants.

Cette crise illustre un échec du Conseil de sécurité et de la communauté internationale. La Syrie s'enfonce durablement dans la guerre civile, et ce n'est pas seulement une question humanitaire. C'est une question politique majeure, parce que la guerre civile prend des aspects confessionnels et déborde au Liban.

Le Conseil de sécurité n'est-il pas en train de perdre de sa crédibilité ? Si l'on raisonne dans ces termes-là, il n'en a plus depuis longtemps. Le Conseil agit lorsqu'il y a un accord du P5 - membres permanents dotés du droit de veto : Chine, Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Russie - Sinon, c'est la paralysie. N'est-ce pas un argument de plus en faveur d'une réforme ?

Face à une opposition morcelée et divisée, lit d’extrémistes, les moyens d'action sont limités. Toute action pour aider la Syrie de sortir de ce bourbier sans nom doit être menée avec doigté et réalisme pour éviter d'aggraver la situation sur le terrain. Si la condamnation de la répression doit se poursuivre fermement, les sanctions doivent être ciblées et viser des individus, pas la population.

Elles doivent aussi pouvoir être facilement suspendues. L'expérience irakienne reste en mémoire : plus de dix ans de sanctions n'avaient pas affaibli le régime de Saddam Hussein, au contraire, il avait réussi à renforcer son contrôle de la population (par la distribution de produits rationnés). Par ailleurs, les sanctions avaient vidé l'Etat de sa substance, entraînant son effondrement en 2003.

L'effondrement de l'Etat syrien, par les conséquences qu'il aurait sur le Liban, mais aussi sur la Jordanie et la Palestine, serait dévastateur pour la stabilité de toute cette région.

Les autorités syriennes se disent victimes d'une large «conspiration». Omnipotents, les Assad bénéficieraient du soutien d’une majorité de la communauté alaouite, des principaux chefs religieux et du silence de la bourgeoisie d'affaires. Parents et amis forment le clan Assad et occupent les postes-clés du système, depuis son arrivée au pouvoir en 2000.

Le pouvoir peut aussi compter sur l'appui de nombreux prélats chrétiens et de puissants hommes d'affaires silencieux. Le système Assad, basé sur le clientélisme profiterait à une large frange de la population.

L'enjeu n'est pas limité à la pérennité d'une dynastie au pouvoir depuis plus de quarante ans. Compte tenu des ambitions régionales des voisins de la Syrie, arabes, turc ou iranien, c'est plus largement l'architecture des alliances et les rapports de forces au Levant comme au Proche-Orient qui se joue dans le tumulte et les cendres du soulèvement syrien. Si l'un des deux camps pense l'emporter il n'y aura que des perdants et le pays sera dévasté.

Il n'y a de solution que par le dialogue politique même si ce dialogue est rendu très difficile par le nombre de morts. Les récentes négociations de Genève destinées à trouver une solution politique à la crise, et qui ont mis pour la première fois face à face des représentants du régime et de l'opposition se sont interrompues sans avancée significative.

SOS pour la Syrie ! Ses citoyens dévastés tout comme les autorités libanaises menacées par «un danger existentiel» lancent un vibrant appel au secours : toujours sans réponse. Telle est la dure loi des urgences internationales (et médiatiques, par ricochet), qui font passer au second rang, voire dans l'ombre, des crises pourtant dramatiques.

Le drame syrien n'en a pas baissé d'intensité pour autant. Et la détresse de ce peuple ne doit pas cesser de préoccuper les instances internationales et de mobiliser les consciences.

SENEPLUS





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