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Contribution: INCIVISME, QUAND TU NOUS TIENS Par IBE NIANG ARDO


Lundi 3 Novembre 2014

Jointe à ce texte, vous avez la copie d'une contravention servie à une jeune étudiante sénégalaise à Montréal (voir photo). Vous pouvez y lire en dessous de la ligne "description de l'infraction", l'objet pour lequel elle va payer 42 dollars : "traverser en tant que piéton la chaussée, autrement que perpendiculairement à son axe".

Il se peut pour vous que cela ne mérite pas qu'on en parle et croyez moi, je ne m'y serais moi-même pas attardé si l'infraction était commise par un "modou modou". Mais qu'il s'agisse d'une étudiante, bien éduquée eu égard à son niveau d'instruction et à la supposition qu'elle est issue d'une famille qui honore l'éducation et investit énormément pour qu'un des leur poursuive ses études au Canada, en fait un sujet très intéressant.

Quand cet enfant à sa grande surprise est épinglé comme un malappris pour une infraction qui relève d'une règle élémentaire de bonne conduite, il est bon dans un souci didactique d'en informer la société et étudier les causes de cette insouciance à la base de ce qui lui est arrivé.

Ne nous méprenons pas cependant sur notre étudiante. Elle n'ignore rien des règles universelles de civisme, seulement, venant d'un pays où contrevenir aux lois et auxdites règles est érigé en code de conduite, son instruction n'a pu l'empêcher de pécher par habitude.

Elle sait ce qu'est une chaussée et un passage clouté. On investit des sommes faramineuses dans son pays pour des infrastructures structurantes. Cependant ces ouvrages ne peuvent jouer leur rôle transformateur parce que paradoxalement ils côtoient étroitement des vestiges d'œuvres déstructurantes, qui par leur simple présence portent des scarifications flagrantes et profondes sur la conscience de toutes les classes sociales et particulièrement les jeunes générations.

Ce, à un tel point que les hommes d'État, les éducateurs, politiciens, agents des services de l'ordre public, militaires, et concepteurs des ouvrages publics ont capitulé face à la généralisation de l'incivisme. Ainsi nos paradigmes et nos performances déclinent constamment. Que l'on soit allé à l'université ou que l'on soit un analphabète ne se distingue point par le degré de civisme duquel on traverse une chaussée, parce que souvent nos infrastructures ne donnent aucun autre choix que de transgresser les règles universelles de conduite en la matière.

Les lacunes en matière de sécurité pour certaines infrastructures récentes, mal conçues, ne facilitent pas le respect des règles. Par exemple le tronçon Patte d'Oie-Aéroport, long de plus de cinq kilomètres, récemment rénové à coup de milliards par la fameuse ANOCI n'est devenu après cette "amélioration" qu'une véritable épreuve de course de haies pour les piétons. Un handicapé a eu à me dire que de toutes les bêtises qui se rapportent aux récents ouvrages publics c'est ce tronçon qui l'attristait le plus. Il est tenu de le traverser tous les jours et les difficultés et dangers encourus lui reflètent cruellement ses conditions de citoyen de seconde classe, indigne de la moindre considération au sein sa société.

Prenons un autre exemple d'infrastructure : "l'autoroute" Malick Sy-Patte d'Oie. Les glissières pour la sécurité des automobilistes sont décrochées et étendues le long de la chaussée sous l'impact des collisions, causant ainsi des dangers meurtriers, au vu et su des autorités compétentes qui ne peuvent éviter cette artère principale dans leurs déplacements. Ecarter le péril ne demande rien d'autre que de ramasser ces objets. Est-ce réellement un défi insurmontable du fait de notre irresponsabilité ou juste une fatale procrastination due à une apathie pathologique ?

Que des décombres inopérants et dangereux pour la population ne déclenchent aucune initiative ou sursaut du sens des responsabilités des dirigeants, cinq ans durant qu'ils encombrent une artère principale, est pour le moins inquiétant. Pourtant une bonne aptitude des autorités à réagir sur ce qui est choquant est un des meilleurs moyens d'inspirer la confiance des administrés. Ce déficit de management politique est à la base de ce désordre public funeste, source d'une peste "pro-incivisme" nationale. C'est ce stigmate qui colle à la peau de bon nombre d'intellectuels sénégalais, qui dans leur conduite peinent à aligner sur le long terme les règles de bienséance, sans trébucher sur leurs propres turpitudes.

Quand il leur arrive ailleurs que sur notre territoire de commettre publiquement des incongruités, ils récoltent ce type de contravention très dissuasive, là où il ne s'imaginent avoir enfreint quelque règle que ce soit.

Au-delà de l'étudiante qui a reçu cette contravention, c'est un blâme qui est servi à toute la société sénégalaise.

Alors en ces moments de frénésie électorale "quasi permanente" sous nos cieux, où certains dans la poursuite de leurs intérêts crypto-personnels rappellent sans cesse au président de la République sa promesse de réduire son mandat, je voudrais pour ma part profiter de cette opportunité pour évoquer une autre promesse de campagne remisée : «la tolérance zéro».

Celle-ci ne demande pas la révision de la constitution et, sa mise en œuvre qui participe du fameux mot d'ordre de rupture, est une prescription fatale, à la fois sociale, sanitaire et salutaire.

Les habitudes n'ont pas changé, depuis l'arrivée du nouveau régime qui suscite tant d'espoir : les tapages nocturnes n'ont pas cessé, les coxeurs sont encore sur les marchepieds de cars rapides qui fument, les charretiers gagnent du terrain dans la capitale où les petits talibés prolifèrent, abandonnés à leur sort. Le mal vivre dans nos quartiers, somme toute, est encore là.

Alors, pourvu que cette contravention sonne le réveil et le lancement de la tolérance zéro.

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Contribution: INCIVISME, QUAND TU NOUS TIENS Par IBE NIANG ARDO



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