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Opinion

Contribution: Abdou Diouf, NI DIEU, NI DIABLE ! PAR MAME TALLA DIAW


Mardi 2 Décembre 2014

Qui seulement pouvait imaginer, 14 ans après avoir quitté le pouvoir, le cœur meurtri et la démarche hésitante, qu’Abdou Diouf, migrant à Paris sous les cris de "Sopi, Sopi" pouvait ressusciter de la sorte sur les plaines de Diamniadio ? Tout un bonheur pour Ndiol qui, dans un festival de couleurs, de sons, a eu non seulement droit aux honneurs mais aussi, grandeur scène, à une fine falsification de l’histoire politique et sociale de ces trente dernières années. Le jackpot pour lui !

La "ndiolmania" est partout. Et comme une lueur qui jaillit de la nuit, elle est surtout mise en relief par ces chefs d’Etat africains en manque de crédibilité qui avalent les bonnes paroles sur la démocratie, la souveraineté des peuples, le pouvoir qu’il faut savoir quitter à temps, tout en s’arc-boutant à leur "trône". La sortie de Diouf a tous les atours d’une entrée en scène. Sur la toile, dans les espaces interactifs, les fora, Ndiol trône seul. L’on a même pu lire en frémissant un texte de Mounirou Sy qui, le plus sérieusement du monde, se permet de disserter sur le destin quasi-prophétique de Diouf, avec comme fil d’Ariane de son argumentaire...le chiffre 5. Délirant ! Le deuxième Président du Sénégal après Léopold Sédar Senghor a visiblement une image qui en impose.

Une aura si foudroyante qu’elle efface de la mémoire du temps l’autre acteur de 2000, Me Abdoulaye Wade en l’occurrence qui a évidemment raté une très bonne occasion de briller. Qui donc a bien pu conseiller le Pape du Sopi de boycotter le 15ème sommet de la Francophonie ? C’est en tout cas très mal inspiré. Aurait-il été de la partie que la configuration des discours n’aurait pas été la même. Obligatoirement, on l’aurait associé aux hommages. Et l’image des trois chefs d’Etat qui se sont succédé ces 33 dernières années à la tête de la première démocratie d’Afrique aurait davantage séduit. Mieux, Me Wade aurait, dans ces conditions-là, titillé la sensibilité populaire sur le sort de son fils Karim Wade, en se dépassant, se surpassant de la sorte, pour s’engouffrer avec grandeur dans les habits que nul ne peut lui contester d’ancien chef d’Etat.

Que Wade puisse se rabaisser de la sorte ne doit du reste pas être une occasion de prendre le produit Diouf pour du diamant vert. Car, hormis ce coup d’éclat de 2000 qui continue à le propulser sur des sommets de plus en plus lumineux, que peut-on retenir des 20 ans de Diouf à la tête du pays ? Ses partisans ont l’habitude de relever qu’il a laissé des fondements solides, des institutions crédibles et encouragé une certaine liberté de la liberté de presse. Il est aussi vrai que sous son magistère, l’Etat n’était pas dans la rue et les symboles républicains n’étaient pas banalisés, qu’ils ont conservé jusqu’en 2000 une certaine sacralité. Il a permis l’éclosion de certaines libertés même si bien souvent le peuple les a arrachées après d’âpres luttes. Sans doute peut-on aussi mettre à son actif et celui de son prédécesseur le fait que le culte de l’argent facile n’avait pas droit de cité. On sait que tout cela va rudement être mis à l’épreuve sous Wade au point que les effets se font encore sentir aujourd’hui.

Mais devrait-on mettre en valeur que la face lumineuse du bilan de Diouf, en occultant ses zones grises ? Diamniadio ne symbolise-t-elle pas à elle seule l’échec de la politique économique de Diouf ponctuée d’ajustements, de plans mal menés et très peu tournée vers l’investissement et la création de richesses ? Un candidat à la présidentielle s’attaquant, en 2000, à la faiblesse des infrastructures routières avait bien relevé que pour couper la presqu’ile dakaroise du reste du monde, il fallait juste bloquer l’unique route de Diamniadio. Aujourd’hui, grâce à l’autoroute à péage qui a du reste été un gouffre financier, on peut enjamber la ville de Me Mbaye Jacques Diop et se retrouver aux portes de Thiès et Mbour.

En vérité, depuis les Indépendances, nous tournons en rond. De 1960 à 2000, comme cela a du reste été largement démontré, le Sénégal a déserté des seuils intéressants, comparables à la Corée du Sud pour s’effondrer dans des taux de croissance ne dépassant presque jamais les 5%. Le taux moyen de croissance depuis 1960 est de 2,9%, selon les publications du Professeur Kassé. En 2000, au moment où Wade prenait le pouvoir, l’économie de ce pays avait subi plusieurs ajustements sans effets positifs majeurs. La dévaluation du franc Cfa a eu lieu malgré les assurances de Diouf. Elle n’a pas permis un redécollage de l’économie malgré quelques frémissements entre 1994 et 1997. Les plans Sakho et Loum ont pu réajuster certains agrégats macroéconomiques sans régler le problème à la racine, celle d’une vraie croissance porteuse de progrès. En vérité, sous Diouf, on a eu droit à tous les plans possibles qui ont tous échoué. Ou presque... Nouvelle politique agricole (NPA), nouvelle politique industrielle (NPI), Plan d’ajustement structurel, Plan de lutte contre la pauvreté (PLP) et des bailleurs de fonds omniprésents, dictant leur loi, sans qu’il ne soit donné à nos élites de bien penser le concept d’émergence à mettre en place. Policé, discipliné, un peu trop courtois pour un chef d’Etat soucieux des intérêts de son pays, Diouf a manqué d’audace. Et sans doute aussi comme Senghor, de courage historique.

Le paradigme que Diouf a donc déroulé durant les 20 années qu’il a passé au pouvoir ne devrait pas être celui qui inspire le Sénégal en 2014. Pour charismatique que soit le désormais ex-Secrétaire général de l’OIF. Et pour catastrophique que soit le bilan de son successeur, Gorgui ! A Macky de trouver son chemin. Gare à lui s’il prête oreille à certaines sirènes !

SENEPLUS





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