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Confidence de Idrissa Diallo, parent de victime du naufrage le Joola: «Mes prises de positions radicales pour les familles des victimes m’aident à comprimer la douleur»


Mardi 30 Septembre 2014

L’actuel député-maire de Dalifort-Foirail, Idrissa Diallo, a perdu ses 3 fils et celui de son grand frère dans le naufrage du bateau «Le Joola». Des enfants partis en vacances à Ziguinchor chez leur grand-mère. Idrissa Diallo se confesse.

«A la période du naufrage du bateau «Le Joola», j’étais encore à Atlanta, aux Etats-Unis. Mes 3 enfants qui étaient âgés de 15, 13 et 8 ans revenaient de Ziguinchor à bord du «Joola», après avoir passé leurs vacances chez mes parents. Avant leur départ pour le Port de Ziguinchor, j’ai parlé avec le plus âgé qui était à Ziguinchor pour rendre visite à sa grand-mère après avoir réussi à son examen. Il devait partir seul, mais ses petits frères avaient exprimé le besoin de l’accompagner. Le jour où ils quittaient Ziguinchor, j’ai téléphoné à mon épouse vers 6 heures du matin pour lui demander l’heure de l’arrivée des enfants au Port de Dakar. Pour toute réponse, elle me fit savoir qu’elle n’avait pas dormi toute la nuit. Ce qui était aussi mon cas, de minuit à 10 heures. Je n’ai cessé d’appeler et de surveiller mon téléphone. Comme quoi, quand parfois un malheur est sur le point d’arriver, on le sent sans pour autant pouvoir décliner ce que l’on sent de façon exacte. Alors que j’étais dans l’expectative, mon téléphone sonna.»

Tel un couperet, la triste nouvelle tombe

«Au bout du fil, il y avait mon petit frère qui vit à Washington. Lorsque je lui fis part de mes inquiétudes sur l’arrivée tardive des enfants, il m’annonça crûment que les 4 enfants étaient décédés. J’avais même oublié qu’au lieu de 3, ils étaient 4 enfants à voyager à bord du bateau. Le 4e naufragé était le fils de mon petit frère. La mauvaise nouvelle qu’on venait de m’annoncer me mit hors de moi-même. Il tenait la nouvelle d’un militaire gambien qui était l’ami à mon jeune frère. Avant de pouvoir joindre ma femme pour lui faire part de la nouvelle, j’ai appelé notre femme de ménage pour la supplier de me dire la vérité. Quand elle me demanda de quelle vérité il s’agissait, j’ai réalisé qu’elle n’avait pas encore eu vent de la nouvelle. Et lorsque je lui fis l’annonce, elle a lancé le téléphone en criant. C’est dans cette atmosphère que j’ai dû quitter manu militari Atlanta pour venir à Dakar.»

Testament d’un père abattu

«Le voyage qui s’est fait à l’improviste a été un véritable chemin de croix avec une escale de 12H à Lisbonne. A l’accueil, j’ai été frappé par le nombre impressionnant de véhicules appartenant à des personnes venues me manifester leur compassion à cette heure avancée de la nuit. Mon grand frère qui avait perdu son fils voulait coûte que coûte que son corps soit retrouvé, mais je lui en ai dissuadé, car retrouver le corps dans un certain état pourrait remuer le couteau dans la plaie. C’est un souvenir douloureux que j’ai du mal à transcender, bien que le soutien m’a été d’une grande utilité. Je n’avais plus goût à la vie. La direction du Port et la directrice de l’entreprise pour le compte duquel je travaillais voulaient que je reprenne mes activités personnelles, mais je n’avais plus le goût pour le travail et la vie d’une manière générale. J’ai dû même faire mon testament, car j’étais dans une espèce de semi non-être, comme un vivant mort.»

Une heure d’inactivité me replonge dans le douloureux souvenir du Joola

«Ce n’est que 4 mois après le drame du «Joola» que j’ai commencé à reprendre mes esprits, à vivre le plus normalement du monde. Pour noyer la douleur dont j’avais du mal à me départir, j’étais obligé de m’engager pour la défense des familles des victimes, d’émettre des propos et d’avoir des prises de positions qui n’étaient pas, le plus souvent, pour plaire aux dirigeants de l’époque. Mais je n’en avais cure, d’autant plus que cela soulageait ma femme, mais également les familles des victimes. Il suffit d’une heure de répit pour que je replonge dans le douloureux souvenir du naufrage. Je suis obligé de fuir dans les activités pour que ça marche de mon côté. La liberté de ton et la virulence de mes paroles faisaient même dire à certaines mauvaises langues que les Américains étaient derrière mes agissements. Mais tel n’était pas le cas. Dès le bas âge, j’ai appris à être indépendant et je n’ai jamais rien attendu de personne. A propos des postes de responsabilité que j’occupe présentement, je ne les considère pas comme une récompense, car je pense que personne ne souhaite être récompensé de la sorte. Toutefois, je ne peux pas m’empêcher de remercier le Tout Puissant qui a concrétisé un de mes rêves d’enfance : celui de devenir député ou ambassadeur. Bien que je ne sois pas un bon pratiquant, j’estime que je suis un croyant. Chaque jour que Dieu fait, je m’efforce de me conformer à ses recommandations. Je pense que la foi est une affaire personnelle et privée. Au Sénégal, on voit des gens prier tout le temps pour ensuite commettre des actes répréhensibles, comme le vol, le viol et le mensonge.»

Les Sénégalais n’ont rien appris du Joola

«Ce qui me choque aussi, c’est que les Sénégalais semblent n’avoir rien appris du naufrage du bateau «Le Joola». Les surcharges dans les véhicules, les nombreuses noyades, le délaissement des passerelles et les accidents de la route continuent de plus belle du fait du mauvais comportement de certains de nos concitoyens. Je pense qu’il est grand temps que les Sénégalais apprennent à avoir des attitudes responsables pour ne pas s’exposer et exposer la vie des autres. On convoque tout le temps la volonté divine en oubliant que nos responsabilités sont, dans certaines circonstances, engagées.»

Prise en charge des victimes

«Pour ce qui est de la prise en charge des familles des victimes, on attend plus et mieux du régime actuel que celui qui l’a précédé. En attendant de rencontrer les ministres du gouvernement pour terminer par le chef de l’Etat, nous demandons au Président Macky Sall de veiller à ce que la Place du Souvenir soit exclusivement réservée au naufrage du bateau Le Joola.»

GFM





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