Connectez-vous
Société

Commentaire- L’opposition derrière les violences: LA ‘’MAIN INVISIBLE’’ QUI FRAPPE LES RÉGIMES


Mardi 4 Août 2015

Le pouvoir accuse l’opposition d’avoir manipulé les étudiants qui ont lancé des pierres sur le cortège présidentiel. Mais cette «main invisible» de l’adversaire a souvent servi d’alibi pour noyer le poisson des revendications. Le «coup d’Etat de minuit», inventé par Cheikh Tidiane Sy en 2011, est encore frais dans les mémoires. Relecture d’un passé... présent.

Passée la tempête, l’heure est venue de faire une lecture froide de cette chaude journée de jets de pierres contre le cortège présidentiel à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar. L’on parlera désormais des «événements du 31 juillet 2015». L’Etat aurait promis la Cour d’assises à ceux qui auraient mis la garde rapprochée plus proche de Macky Sall. Ceux qui auraient obligé l’hôte de marque à se couvrir d’un para... pierres.

L’on accuse l’opposition d’être derrière ces cailloux parce que, la veille, des étudiants du Parti démocratique sénégalais notamment avaient menacé de perturber la visite présidentielle. Bien évidemment, la première option des enquêteurs ne pouvait être que la piste politique. Il s’agit, comme on peut bien le présumer, d’une coïncidence troublante.

Et peut-être que Me El Hadj Amadou Sall, en responsable libéral, et surtout en avocat averti, a bien mesuré la gravité, dès l’annonce de l’arrestation du secrétaire général adjoint du Mouvement des élèves et étudiants libéraux (Meel), El Hadj Diaw ?

Peut-être que le Pds, en parti blanchi sous le harnais de l’opposition, a dû aussi utiliser ses vieilles méthodes des années chaudes d’avant 2000 ? Peut-être qu’il pourrait y avoir une main bleue «invisible» qui serait derrière la «pluie provoquée» de pierres et du port de brassards rouges importé des tropiques asiatiques par Wade pour «discipliner» les Sénégalais ?

Mais attention à l’emballement judiciaire d’un dossier parti pour prendre une couleur politique feutrée. Et peut-être sociale. Loin de cautionner les jets de pierres sur le cortège du Président et la violence de façon générale, une analyse profonde s’impose. Il est vrai et sans doute parmi eux, il peut y avoir des étudiants politiques qui voudraient bien mettre du sable dans le couscous des inaugurations.

Parmi eux, il y en a peut-être qui réclament justice pour Bassirou Faye, et le Président consent à veiller sur ce dossier au point de «fixer» la date du procès en octobre. Mais parmi eux aussi, il peut y avoir des (a)politiques qui revendiquent de meilleures conditions d’études, quels que soient les efforts consentis par le régime.

Faut-il oublier que les réformes avaient produit des dégâts avec les querelles de tendances qui ont occasionné d’ailleurs des coups de coupecoupe ?

Faut-il ignorer -même si le ministre de l’Enseignement supérieur s’est glorifié d’avoir payé «pour la première fois, les bourses avant la fin du mois»que les sous ont été le soubassement de la violence notée ces derniers mois ?

Le «coup d’Etat de minuit»

Il convient, donc, pour l’autorité, de faire fi de la naïveté politicienne de ne voir que l’ombre de «politiques en perte de vitesse» qui voudraient «saboter» une visite historique d’un Président qui, au nom d’un certain «courage», a choisi de ne pas baisser pavillon pour réceptionner trois nouveaux pavillons ? Ce serait, en tout cas, faire fausse route dans la lecture globale d’une situation objective que de réduire et simplifier cette «intifada» à une «conspiration politique».

Tiens, tiens, n’a-t-on pas inventé sous Wade, un «coup d’Etat» fomenté, s’il vous plaît !, par des étudiants des partis de l’opposition, aujourd’hui au pouvoir ! En 2011, à la veille de la célébration de l’anniversaire de l’alternance du 19 mars, Cheikh Tidiane Sy, alors ministre de la Justice, avait voulu envoyer Thérèse Faye et d’autres en prison, au moins, pour des années. A l’époque, l’on avait dénoncé la légèreté de l’accusation «bidonnée» à minuit sur la Rts par un Cheikh qui voulait «Sy-er» des jeunes qui devaient manifester à la place de l’Indépendance.

L’argument d’une «main invisible de l’opposition» a vite été tué dans l’œuf et le «coup d’Etat» écarté par le Parquet de Dakar. Il en voudra à mort au procureur de la République Ousmane Diagne de l’avoir ridiculisé. Un 19 mars très agité finalement qui s’est poursuivi, de par la mobilisation et la détermination des citoyens, jusqu’au 23 juin de la même année.

On ne peut taire une autre réalité : ce jour où le ticket présidentiel a été déchiré devant l’Assemblée nationale, ce sont des étudiants en rangs serrés qui avaient imposé le bras de fer avec les
Forces de l’ordre et mis la pression sur le pouvoir. Et devant Macky Sall, Moustapha Niasse, Ousmane Tanor Dieng, Bathily et les autres. L’on avouerait alors qu’il y avait une main de l’opposition !

Le même Cheikh Tidiane Sy avait, dans un communiqué, pour réagir aux manifestations d’élèves et étudiants de Dakar, déclaré en janvier 2009 : «Selon les informations reçues, les instigateurs de cette montée de la violence se retrouveraient dans certaines formations politiques qui cherchent, par tous les moyens, à mettre en péril la paix sociale et à déstabiliser les institutions.»

2006 : Quand Wade accusait l’opposition

Et c’est dire, aujourd’hui, l’impertinence du pouvoir actuel de prendre cette affaire pour de (simples) «manipulations» de l’opposition qui, il est vrai, avait promis un été chaud au régime avec l’emprisonnement de Karim Wade, Toussaint Manga et d’autres jeunes Libéraux. C’est dire aussi que cette «main invisible de l’opposition» a bon dos, et semble plutôt être un camouflage de la réalité.

En 2006, alors que les étudiants avaient découvert de la viande pourrie qui leur était servie à déjeuner, les jets de pierres et les grenades lacrymogènes avaient transformé l’Ucad en un champ de bataille. Et l’Ugb avait pris le relais. Une folle journée du 17 février a laissé un campus social sombre, des chars de combat alignés le long de l’avenue Cheikh Anta Diop, un Couloir de la mort quadrillé, des étudiants sautant des balcons de pavillons pour échapper à la brutalité policière, des blessés évacués en France, etc.

Les éléments du Gmi, dépassés, ont dû être secourus par les hommes de la Lgi de Mbao après une soirée en feu, flamme et sang dans les couloirs du campus social. Et il y avait un président de la République qui poursuivait son séjour à Paris. A son retour, Wade n’a retenu qu’une seule chose : des «matamores» et des «poltrons» qui sont derrière la colère estudiantine. «C’est une main étrangère qui, avec l’opposition, sont derrière la grève.

Elle a reçu des financements pour déstabiliser le pays. J’étais dans l’opposition. Je connais certains d’entre eux. Ils n’ont pas le courage de descendre dans la rue. C’est facile de manipuler des étudiants et d’aller se mettre dans un lieu où tout le monde te voit et tu dis que tu n’as rien fait. (...) Les étudiants doivent refuser de se faire manipuler ou si les opposants demandent de marcher qu’ils leur imposent de se mettre au devant», avait servi le prédécesseur de Macky Sall.

En fait, le contexte pré-électoral dicte souvent les tensions politico-sociales. 2006, c’était à un an de la Présidentielle de 2007. Le «coup d’Etat» de 2011, c’était à quelques mois de l’élection de 2012. Et aujourd’hui, Macky Sall est à moins de deux ans de la fin de son premier mandat. A moins que le septennat s’impose.

LEQUOTIDIEN





Nouveau commentaire :
Facebook

Senxibar | SenArchive | Sen Tv | Flash actualité - Dernière minute | Politique | Société | Economie | Culture | Sport | Chronique | Faits Divers | Opinion | International | Sciences et Santé | Médias | Ils l'avaient dit | Emploi | Ramadan | Perdu de vue | Echos du tribunal | A la une | Achaud | resultats2012 | JOB | Theatre