Connectez-vous
Politique

Comment s’enrichissent les hommes politiques


Dimanche 20 Juillet 2014

Les dignitaires de l’ancien régime interpellés dans le cadre de la traque des biens supposés mal acquis ou d’autres responsables politiques se réfugient derrière les donations pour justifier l’origine de leurs avoirs.


Comment s’enrichissent les hommes politiques
Lors de son audition par la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) sur ses biens jugés mal acquis, Tahibou Ndiaye, l’ancien Directeur du Cadastre avait révélé que Wade lui offrait de l’argent tout comme Macky Sall qui était à l’époque Premier ministre, et de poursuivre : «Je n’étais pas le seul.»

Ces mêmes propos avaient été repris par Idrissa Seck . Dans l’émission Grand jury de la Radio futur médias (Rfm) , du 29 octobre 2006, il déclarait : «Je ne me suis pas enrichi à la faveur du pouvoir. Les seules ressources que mon passage au pouvoir a mises à ma disposition et qui renforcent mes moyens d’intervention politique et sociale, ce sont les fonds politiques que le président de la République lui-même m’a alloués de façon discrétionnaire.» Le maire de Thiès avait même affirmé en outre, détenir les traces de tous les bénéficiaires desdits fonds politiques.
Dans un entretien accordé à «Foreign Affairs», un magazine américain, en août 2013, le Président Macky Sall a soutenu avoir bénéficié des largesses de ses fonctions antécédentes, «Autant que je sache, nous avons bénéficié des privilèges relatifs à nos positions (Premier ministre ou président de l’Assemblée nationale), avant d’indiquer que, «c’est une chose tout à fait normale». Dans le même entretien, le président Macky Sall précisait que, «cela n’a rien à voir avec la corruption ou le détournement de fonds. Quand vous êtes en mesure de prouver que vos biens sont en conformité avec vos revenus, il n’y a aucun souci à se faire».

Même son de cloche, chez, Abdoulaye Baldé. Après son audition, le vendredi 12 juin dernier, au Crei, le maire de Ziguinchor justifie la fortune illicite qu’on lui attribue par des cadeaux du président Abdoulaye Wade ou d’autres responsables libérales. Abdoulaye Baldé déclarait ainsi : «Ils me reprochent ma maison aux Almadies que j’avais achetée en 1997 et qui est sous hypothèque, ils l’ont estimée à 176 millions de francs. Une maison à Ziguinchor où vit ma mère que j’avais achetée à 13 millions que m’avait offert mon grand-frère Idrissa Seck, ils l’ont évaluée à 300 millions, un terrain nu que Abdoulaye Wade m’avait offert sur la Vdn, ils l’ont évalué à 300 millions.» Dans de la liste de ses biens, Abdoulaye Baldé ajoute par ailleurs, «Une voiture Chevrolet que Karim Wade m’a offerte, ils l’ont évaluée à 70 millions».

Amis arabes

«Le bienfaiteur», quant à lui, le président Abdoulaye Wade justifie la fortune qu’on l’attribue par des dons offerts pas ses amis arabes. Le plus souvent les Saoudiens sont cités en exemple et c’est aussi le cas pour son fils, Karim Wade épinglé dans la traque des biens supposés mal acquis.

L’ancien président de la République, dans la défense de son fils, indique que tous ses biens sont licites. En Côte d’Ivoire, lors de la conférence de la confédération des associations et unions de jeunes avocats d’Afrique, il a ainsi précisé : «Il n y a pas la moindre preuve après huit mois de traque. La seule banque où l’on a trouvé de l’argent, c’est celle de Monaco et cet argent est le mien. D’ailleurs, je vais récupérer cet argent.»



RÉGLEMENTATION JURIDIQUE DES CADEAUX, DONS ET LIBÉRALITÉS FAITS AUX AUTORITÉS PUBLIQUES

La Cnri dégage des pistes


Nombre d’autorités (Président, Premier ministre, Ministres, Directeurs généraux …) se retranchent derrière les cadeaux, dons ou libéralités pour échapper à la sanction des délits de détournement de deniers publics ou d’enrichissement illicite. Une situation qui n’est pas sans poser problème à cause d’une absence de législation rigoureuse dans ce domaine. Aussi la Commission nationale de réforme des institutions a-t-elle dégagé des pistes.

Plusieurs autorités invoquent les cadeaux, libéralités ou dons d’amis, de chefs d’Etats et autres rois, pour «se soustraire» aux accusations de détournement de deniers publics ou d’enrichissement illicite. Devant ce qui s’apparente à un «semblant de vide juridique», la Commission nationale de réforme des institutions (Cnri) a dégagé des pistes de solutions pour renforcer les codes d’éthique et de déontologie particuliers à certaines structures.

Le projet de la Cnri a déjà tranché

Et pourtant le projet de loi de la Commission nationale de réforme des institutions (Cnri) jusque-là resté à l’état de projet, réglemente les failles. «Les agents publics ne doivent ni accepter ni solliciter, ni directement ou directement, au Sénégal ou à l’étranger, aucun don, cadeau ou libéralité dans l’exercice de leurs fonctions»,dispose la Cnri en son article 10 .

Dans la dynamique d’un assouplissement, des tolérances ont été préconisées en vue d’accepter certains cadeaux. «Peuvent être tolérés des cadeaux symboliques en nature dont la valeur n’excède pas un moment fixé par la loi. Les cadeaux qui n’auront pas pu être déclinées pour des raisons culturelles ou diplomatiques majeures sont aussitôt déclarées et remis au service administratif en charge de la gestion du patrimoine de l’Etat», proposent les rédacteurs du projet de constitution de la Cnri.

D’ailleurs, des actions en justice sont prévues pour assurer la protection des biens détournés . C’est dans ce sens que l’action en restitution ou en remboursement , selon les rédacteurs du projet de loi, peut être introduite par tout organisme public chargé de la sauvegarde des biens publics ou toute personne morale de droit privé ayant pour vocation la défense des intérêts matériels et moraux des citoyens.
Des codes d’éthique et de déontologie en renfort.

Au-delà de la Cnri, certains services à travers leurs codes d’éthique et de déontologie s’efforcent de prévenir les risques de détournement des cadeaux, dons ou libéralités. C’est le cas du code d’éthique et de déontologie de la direction centrale des marchés publics sous l’ancien ministre de l’Economie et des finances , Abdoulaye Diop. Par rapport aux conduites à tenir dans le cadre des questions pécuniaires, ce code précise que «toute offre de cadeaux ou de gratification émanant de personnes ayant intérêt dans les marchés publics peut être considérée comme visant à influer sur une décision qu’un agent est amené à prendre». c’est la raison pour laquelle , prévient le code , les agents ne doivent accepter de cadeaux, ni d’invitation sauf si «le cadeau est peu onéreux (et que) le refus ne serait pas conforme aux usages culturels, ou (que) l’invitation répond à des impératifs d’ordre professionnel».



FONDS SPÉCIAUX

Le Sénégal se distingue par une gestion nébuleuse


De 620 millions FCfa en 2000, la caisse noire de la présidence de la République est passée à 14 milliards sous Idrissa Seck, avant d’atteindre la barre de 60 milliards de FCfa . Là où des pays comme les Etats-Unis et la France encadrent les fonds politiques, les institutions sénégalaises, en dépit de la rupture annoncée, persistent dans une gestion nébuleuse et discrétionnaire de ce qui apparait comme de véritables caisses noires.

Le président de la République, le Premier ministre et le président de l’Assemblée nationale du Sénégal disposent de fonds politiques considérables et leur utilisation est laissée à leur discrétion. Les fonds spéciaux ou secrets ou de souveraineté, c’est selon, posent ainsi un véritable problème en raison de la nébuleuse qui l’entoure. Votés par l’Assemblée nationale, ces fonds qui font office de «caisses noires» ne sont soumis à aucun contrôle et leur usage relève de la libre appréciation du destinataire. De 620 millions FCfa en 2000, la caisse noire de la présidence de la République est passée à 14 milliards sous Idrissa Seck, révélait déjà le Président Wade, dans une sortie médiatique en date du 1er mars 2007, avant d’atteindre la barre de 60 milliards de FCfa.

Si le Sénégal en dépit des ruptures annoncées patauge dans une gestion nébuleuse de fonds secrets, force est de constater que des pays beaucoup plus nantis l’ont réglé définitivement en les encadrant ou en les supprimant tout simplement.

En France, une commission de vérification des fonds spéciaux composée de parlementaires et de membres de la Cour des comptes a la charge d’assurer leur contrôle et leur utilisation, conformément à la destination qui leur a été assignée par l’article 154 de la loi de finances de 2002. C’est le cas aussi en Allemagne et en Grande-Bretagne où ces fonds sont contrôlés par une commission réunissant toutes les sensibilités des Parlements de ces pays.

Aux Etats-Unis, les règles sont claires. Le locataire de la Maison Blanche gagne 400 000 dollars par an, en plus de 50.000 dollars pour les frais engendrés par sa fonction.

Il n’a pas le droit de prendre un cadeau dont la valeur excède plus de 100 dollars Us. Au regard de ces exemples, le Sénégal gagnerait à s’en inspirer en adoptant une politique de réglementation susceptible de vérifier la sincérité des dépenses et leur destination conformément aux exigences de la transparence.



CONTRIBUTIONS AUX ALTERNANCES POLITIQUES

Les tontines de Wade et de Macky


Les partis politiques ayant soutenu un candidat au second tour d’une élection présidentielle reçoivent en contrepartie une somme en guise de reconnaissance. L’ancien Premier ministre Souleymane Ndené Ndiaye en avait fait la révélation en soutenant toutefois que ce n’était pas une source d’enrichissement illicite.

L’ancien Premier ministre sous l’ère du président Abdoulaye Wade, Souleymane Ndené Ndiaye avait fait une sortie annonçant que des partis politiques recevaient à la fin de chaque mois en guise d’honoraire une somme pour leur compagnonnage avec le président Abdoulaye Wade.
Dans le lot des leaders politiques qui recevaient l’argent du Palais, Souleymane Ndené Ndiaye avait nommément cité Landing Savane, accusé de recevoir à la fin de chaque mois 30 millions du président Abdoulaye Wade. Dans sa réponse, le mis en cause, qui n’a jamais nié l’existence de tels faits, a toutefois récusé le montant avance qu’en «2002, j’ai reçu de l’argent de Wade et la somme reçue en une année ne fait pas 30 millions», avant de préciser, «parler alors de 30 millions par mois c’est exagéré».

Dans l’émission sortie de la télévision, Wal fadjri, datée du dimanche 29 mai 2011, Landing Savané explique que l’argent reçu n’est pas considéré comme un cadeau ni de la corruption d’ailleurs. Pour le secrétaire d’And Jef : «ll y a une différence entre la corruption et la solidarité sociale». Et dans son cas, c’est une solidarité sociale car près avoir aidé le président Wade à accéder au il est tout à fait normal que des fonds lui soient alloués.

En résumé, il est donc perceptible que tous les partis engagés à côté de Wade et ayant œuvré pour la chute du régime socialiste étaient servis et la confirmation est faite, par l’ancien Premier ministre Souleymane Ndené Ndiaye. A l’en croire, tous les partis alliés recevaient leurs dus. Même après la déroute des libéraux, cette option semble continuer.

Le journaliste Cheikh Yérim Seck, dans son ouvrage intitulé «Ces goulots qui étranglent la République» soutient que tous les partis ayant contribué à l’accession du président Macky Sall au pouvoir reçoivent chacun 20 millions pour leur contribution dans la déroute de Wade en 2012.
Les sommes distribuées si l’on en croit, Souleymane Ndené Ndiaye ne doivent pas être inclus dans ce qui appelé, biens mal acquis car provenant des fonds politiques dont le président de la République est déteteur.



SOULEYMANE NDÉNÉ NDIAYE ANCIEN PREMIER MINISTRE

«Dans tous les pays, des fonds sont affectés au président de la République»


Pour l’ancien Premier ministre Souleymane Ndéné Ndiaye, il faut maintenir les fonds politiques car, soutient-il dans tous les pays du monde, ils sont affectés aux chefs d’Etat.

Les fonds spéciaux désignés sous le vocable de fonds politiques ou encore caisse noire sont destinés avant tout à un usage social. Aujourd’hui, au Sénégal ces fonds sont souvent utilisés pour enrichir une certaine classe politique. En effet, votés par l’assemblée nationale, les fonds politiques alloués au président de la République et au président de l’Assemblée nationale ne sont soumis à aucun contrôle et leur usage relève de la libre appréciation du président de la République. Ce qui d’ailleurs, poussent certains à demander une suppression ou une réglementation de ces fonds.
Interrogé sur la question, l’ancien Premier Ministre Souleymane Ndéné Ndiaye soutient que dans tous les pays du monde, des fonds politiques sont affectés au président de la République. Une importante somme qu’il peut utiliser à sa discrétion.

Concernant les Premiers ministres, il a fait savoir que c’est seulement sous Abdoulaye Wade que des premiers ministres ont eu à bénéficier de ces fonds.

«Certains Premiers ministres sous l’ancien régime disposaient de fonds politique notamment ceux qui faisaient la politique. Je fais partie de ce lot. Chaque 3 mois je percevais une importante somme», a-t-il fait part, tout en se gardant de préciser le montant.
Pour lui, il faut maintenir ces fonds politiques car dit-il, ils ne sont en aucun cas source d’enrichissement illicite ni de détournement de deniers publics.

Pour sa part, le Juriste Dr El Hadji Oumar Diop pense que c’est le système lui même qui organise l’usage abusif de ses fonds à d’autres fins.
«Abdoulaye Wade avait augmenté le montant des fonds politiques. Macky Sall quand il est arrivé au pouvoir a fait plus que cela donc c’est le système qui favorise tous les dérapages. On est entrain de pervertir l’utilisation originale des fonds»,a-t-il fait remarquer.
A en croire à Dr Diop, cet argent devrait être utilisé pour faire du social ou pour régler un problème urgent.

«Il y a des dépenses urgentes qui peuvent arriver de façon surprenante et on n’a pas de fonds pour les régler. Par exemple il peut avoir des opérations secrètes que l’armée doit mener quelque part. Dans ce cas de figure, le président de la République peut prendre cet argent. Lorsqu’un grand chef religieux ou autre dignitaire est gravement malade ou un citoyen quelconque et on veut le soigner à l’étranger on peut aussi piocher dans cette caisse», explique-t-il.

Poursuivant, il souligne que l’usage de ces fonds a été perverti mais l’esprit à la base était noble et peut se défendre socialement et juridiquement.
«Des sommes faramineux qui sont dans les caisses noires sont utilisées à des fins politiques ou pour entretenir une clientèle politique», dénonce-t-il cependant.



EN PERSPECTIVE

RESTITUEZ CES CADEAUX À LA RÉPUBLIQUE !


Où vont les cadeaux diplomatiques reçus, au nom de la République, par les chefs d’Etat du Sénégal, de Léopold Sédar Senghor à Macky Sall, en passant par Abdou Diouf et Abdoulaye Wade ? Quels sont-ils, où sont-ils, par qui ont-ils été offerts ? Ces questionnements demeurent malheureusement, sans réponse.

Une certitude cependant, offerts à l’Etat du Sénégal, il n’y a aucune raison de tenir leur nature ou leur nombre secret.
Nos présidents de la République, à l’occasion de leurs nombreux voyages à l’étranger, seuls ou en couple, bénéficient de cadeaux diplomatiques. Malheureusement, il y a une opacité autour de ces cadeaux diplomatiques.
Il arrive aussi que le Président ou le couple présidentiel offre des cadeaux aux chefs d’Etat visiteurs. Même à ce niveau, c’est l’omerta. Les questions restent sans réponse : quels sont-ils, à qui ont-ils été offerts, combien ont-ils coûté?

Or, dans un Etat démocratique, l’exigence de transparence devrait conduire les autorités étatiques à publier la liste de ces cadeaux diplomatiques. Mais le couple présidentiel et le président de la République font comme si ces dons étaient des biens personnels.

D’ailleurs, c’est ce même comportement de non transparence que l’on remarque dans l’utilisation des fonds politiques. Si les bénéficiaires «peuvent en disposer comme ils veulent», il est à parier que les ayants droit ignorent ou ferment les yeux sur l’esprit de la loi. Cet argent est malheureusement utilisé comme une arme de corruption qui permet l’achat des consciences ou fonctionne comme appât pour transhumants en mal de point de chute. Et les hommes politiques en usent et abusent et certains d’entre eux se réfugient derrière le rideau de fonds politiques pour justifier leur mode de gestion chaotique des deniers publics. Presque tous les traqués ont parlé – pour justifier leurs avoirs – des largesses de l’ex président de la République qui avait un distributeur automatique de billets de banque au palais. L’actuel chef de l’Etat ne s’en prive pas. Beaucoup d’argent a été dépensé lors de ces dernières élections locales et de nombreuses sources parlent de fonds politiques.

Ce manque de transparence est aussi une réalité dans les partis politiques avec l’absence de loi sur le financement des formations politiques. Il arrive qu’un parti reçoive un don de la part d’une formation amie, mais que l’information n’arrive pas à certains membres de la direction, encore moins aux militants. Ces dons sont gérés dans la plus grande discrétion ou opacité. Et certains leaders de ces formations politiques ne se gênent pas de mettre ces fonds dans leur propre compte bancaire.

Cette absence de transparence est une vraie gangrène pour notre démocratie. Toute personne qui occupe des fonctions électives et représentatives se doit de rendre compte, en oubliant pas que les cadeaux ou dons qu’elle reçoit- qu’il s’agisse du président de la République, du ministre ou du député, etc- sont liés aux fonctions qu’elle incarne. Malheureusement, ces personnalités ont tendance à confondre leur poche avec celle de la République. D’où l’urgence de légiférer dans le sens d’une gestion vertueuse des fonds politiques et des dons que reçoivent nos dirigeants. Les pistes dégagées par la Commission nationale de réforme des institutions (Voir ci-contre) méritent à ce titre d’être explorées avec célérité.

Sud Quotidien



Nouveau commentaire :
Facebook

Senxibar | SenArchive | Sen Tv | Flash actualité - Dernière minute | Politique | Société | Economie | Culture | Sport | Chronique | Faits Divers | Opinion | International | Sciences et Santé | Médias | Ils l'avaient dit | Emploi | Ramadan | Perdu de vue | Echos du tribunal | A la une | Achaud | resultats2012 | JOB | Theatre