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Cinq ans du mouvement "Y’en a marre": Le temps des incertitudes


Jeudi 21 Janvier 2016

Y’en a marre célèbre ses cinq ans ce mois de janvier. Ces animateurs ont connu de la gloire et de l’estime à travers le monde. Ils ont vécu aussi le temps des peines. Malgré tout, ils essaient de trouver un avenir à leur mouvement citoyen. L’Alternance n’a pas dissipé les frustrations. Cela légitime la persistance des indignations avec des décibels moins élevés que ceux qui ont accompagné le régime libéral dans sa chute.


C’est parce que leurs cœurs ne pouvaient plus tenir qu’ils cessèrent de gober l’appât de dérives et composer avec l’immobilisme. Y’en a marre est né pour raviver le feu qui va consumer le régime libéral de Abdoulaye Wade. Des rappeurs et autres têtes bien faites ont su engager la musique loin des boîtes à rythmes et communier pour le départ du Pape du Sopi du pouvoir.

Le contexte était chargé de menaces et d’incertitudes, sans compter la «brise sanglante de Wade» qui a fait une dizaine de victimes préélectorales. Le mouvement a subitement cristallisé des espoirs et des euphories. De réunions en conférences de presse, le tournant survient lorsque Abdoulaye Wade a proposé la levée du quart bloquant et l’élection simultanée d’un ticket présidentiel.

A l’Assemblée nationale, la procédure d’urgence devait aboutir le 23 juin. La capacité de lutte des acteurs politiques et de la Société civile a été testée la veille de l’examen de ce projet de loi. Cet après-midi, les Y’en-a-marristes préfèrent la place de l’Indépendance à la salle Daniel Brothier où «l’opposition de salon» avait déménagé.

Des indignés mâtés et des blessés étaient le résultat du premier face-à-face entre Y’en-amarristes et policiers. Le lendemain, les premiers ont gagné la bataille de la place Soweto. Le projet de loi a été retiré. Pour immortaliser cette journée épique, le Mouvement du 23 juin voit le jour. Celui-ci est fort du travail abattu en amont par la coalition de partis politiques et d’organisations de la Société civile.

Y’en a envie

Pendant que le rappeur Thiat est convoqué à la Division des investigations criminelles, l’opération «Ma Carte, mon arme» continuait de susciter sympathie et adhésion à travers les médias, les réseaux sociaux et dans les centres d’inscription. L’offre de tee-shirts floqués «Y’en a marre» a eu du mal à satisfaire la demande. L’hymne national ouvrait et fermait les activités.

L’approche discursive de Y’en a marre n’accrochait pas uniquement des sympathisants. La forte connotation hip-hop dans les messages a été lue par le régime d’alors pour lancer une contreoffensive. Wade recrute ses rappeurs et autres chanteurs, sponsorise et supervise le mouvement Y’en a envie.

Malgré les fenêtres médiatiques ouvertes, les voix de ses animateurs étaient peu audibles. Le soir de l’élection de février a vu le candidat sortant au second tour. Il fallait achever le boulot. Y’en a marre soutient ouvertement le candidat Macky Sall en lançant l’«opération Doggali». Elle aboutit par une victoire.

Macky Sall à Y’en a marre : «N’ayez pas peur d’exercer le pouvoir»

Y’en a marre fait face à l’épreuve du pouvoir et de son avenir dorénavant en pointillés. Reçu en audience par le vainqueur, le noyau dirigeant a été dragué en ces termes : «N’ayez pas peur d’exercer le pouvoir.»

Fadel Barro et ses camarades choisissent de rester hors de l’espace gouvernemental pour jouer le rôle de veille et d’alerte. L’an goisse de l’avenir faisant, ils travaillent à institutionnaliser le mouvement.

La période de l’euphorie est dépassée et le schisme observé a déplu dans les rangs des anciens compagnons de lutte. Ce fut le contraire pour le ministre des Affaires étrangères français, Laurent Fabius, le Président américain Barack Obama et tant d’autres promoteurs de la révolution citoyenne.

Balai citoyen et mouvement Filimbi, inspiration de Y’en a marre

Depuis 2012, parallèlement aux activités citoyennes, Y’en a marre élabore des projets qu’il soumet à des «partenaires financiers». C’est ainsi que le projet Dox ak sa gokh est déroulé. La liste des initiatives n’est pas exhaustive. Observant la gestion du pouvoir qu’ils estiment être en contradiction avec la «gouvernance sobre et vertueuse» sur bien des aspects, les Y’en-amarristes poussent souvent le même cri, avec des décibels variables.

Sauf quand il s’est agi de démolir le «mur de la honte» qui devrait sécuriser l’ambassade de la Turquie en chantier sur la Corniche-Ouest de Dakar. Par ailleurs, Y’en a marre a eu un écho panafricain et au-delà de nos tropiques. Nombre de jeunes Africains vivant sous des régimes dictatoriaux ont tenté de dupliquer l’expérience sénégalaise avec des fortunes diverses.

C’est le cas des répliques avec le Balai citoyen burkinabè, qui a considérablement participé au départ de Compaoré, ou encore le mouvement Filimbi de la Rdc qui tente faire partir Kabila. Du coup, une vocation de consultant est née. Spécialité : initier à crier Y’en a marre.

BAYE MAKÉBÉ SARR, JOURNALISTE ET CO-AUTEUR D’UN LIVRE SUR LE MOUVEMENT

«Y’en a marre n’a pas été préparé à gérer son succès»

L’âge d’or

«Le mérite de Y’en a marre est surtout d’avoir réussi à briser l’inertie, l’indifférence et l’inaction des Sénégalais. Ayant très tôt compris qu’un mouvement social a besoin de visibilité et d’actions concrètes sur le terrain, il a opté pour la rue et la mobilisation. Cette approche l’a ainsi différencié des politiciens médiatiques, des cercles intellectuels, des groupements platoniques plus portés sur la réflexion qu’à l’action. Le mouvement Y’en a marres’est signalé par sa volonté de participer à l’émergence d’un «état collectif d’une conscience collective».

Non violent et porté par le courage insolite d’un engagement libre des pesanteurs traditionnelles, Y’en a marre a traduit l’actualité d’une impatience qui en appelle à l’émergence d’une culture de bonne gouvernance, en s’érigeant contre des pratiques prédatrices en cours et qu’illustrent tous les scandales qui ont fait la Une des médias.

Trempé dans la rhétorique hip-hop, le message délivré par Y’en a marre s’est révélé comme une lave dévastatrice déversée sur le régime d’alors. Aussi ne s’est-il pas privé de fustiger la gestion calamiteuse des affaires publiques par les autorités libérales, sur fond de corruption et de détournements des deniers publics.

En invitant à l’éradication de ces pratiques, quel que soit le pouvoir en place, en se situant au plan principiel, Y’en a marre a su dérouler un message clair et simple, qui n’exclut aucun Sénégalais.

Des slogans accrocheurs comme «Dass fananal»«Gor Thia Wakh Dia»«Faux pas forc黫Ma carte, mon arme», etc. Jeunes cadres dynamiques, journalistes, chômeurs, ouvriers, étudiants, musiciens... bref, toutes les catégories sociales se sont identifiées à leur coup de gueule qui sonne comme un appel à une réévaluation des valeurs et, par conséquent, à la moralisation de la vie publique.»

Le temps des épines et des peines

«N’est-ce pas d’ailleurs ce caractère totalisant du mouvement Y’en a marre qui a favorisé sa pénétration rapide dans les masses urbaines ? Ce succès éphémère dû au contexte particulier de 2012 a, depuis, laissé place à une sorte de flottement, de relâchement, après le départ de Me Abdoulaye Wade du pouvoir.

Mouvement d’urgence quelque part, donc loin d’être préparé à jouer un nouveau rôle après 2012, Y’ en a marre a tout d’abord essayé de matérialiser son programme de Nouveau type de Sénégalais (Nts) ou encore de mettre sur pied un Observatoire citoyen.

Des options qui traduisent un souci de se trouver une occupation, suite au changement de contexte de crise qui a favorisé son émergence. Après trois années de mise en œuvre, le chantier du Nts a montré toutes ses limites, car le changement de comportement ne se décrète pas. Il se sécrète doucement dans le corps social à travers l’éducation au sens large. C’est-à-dire la famille, l’école et les rapports sociaux. Au-delà de ces éléments, une société a besoin de sanctions coercitives pour dissuader les récalcitrants.

Avec le changement de contexte, Y’en a marre a perdu ses capacités de mobilisation qui ont forgé son image de marque. Depuis 2012, les rassemblements organisés par le mouvement ont un succès modeste. La virée à Kinshasa où ils étaient invités pour leurs compères congolais du mouvement Filimbi, en mars 2015, les a remis au devant de la scène, pour un laps de temps.

La controverse et les opinions très partagées sur cette affaire prouvent encore la distance des populations par rapport aux nouveaux combats de Y’ en a marre. Le mouvement s’est plutôt reconverti en force médiatique pour participer au débat public.

L’affaire Diack : l’épreuve de la crédibilité

Par ailleurs, de façon indéniable, l’affaire Lamine Diack a écorné l’image du mouvement Y’en a marre qui a toujours placé l’exigence éthique au cœur de son action. Elle vient renforcer la thèse des financements occultes dont aurait bénéficié le mouvement.

Mais, Y’en a marre, au même titre que les autres responsables publics cités dans cette affaire, sont de simples victimes collatérales. Pour l’avenir, le mouvement devrait apprendre de cet incident pour réfléchir à un moyen de financement plus transparent, au lieu de faire foi à des mécènes.»

LEQUOTIDIEN




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