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Opinion

(Chronique du lundi): En attendant l’essentiel...Par Galass


Lundi 21 Mars 2016

Aujourd’hui, indifféremment, comme dit Claudel : «Un point c’est tout, trois points ce n’est pas tout». Car dans l’absolu, cette «victoire» du Oui, c’est aussi celle du Non. Ou pour le dire autrement, c’est une non-victoire, un non-événement. Dans la perspective de l’histoire et à l’échelle des peuples, les événements véritables sont des avènements, des révolutions. Or, comme l’affirme Senghor, «toute révolution digne de ce nom est surgissement de conscience : conscience de soi, conscience du monde.» De ce point de vue, la conscience historique ne devrait servir qu’à ne point rater le train de l’histoire. Mais à l’aune de notre pays, la double fin du 20e siècle et du cycle socialiste en 2000, ne nous aura ouvert qu’une nouvelle positivité, d’une nouveauté purement chronologique.


(Chronique du lundi): En attendant l’essentiel...Par Galass

En effet, la défaite des socialistes marque aussi le début d’une rumination presque jubilatoire des vieilleries socialistes. Avec lesquelles paradoxalement, obstinément, nos libéraux prétendent rajeunir et moderniser notre démocratie. C’est que dans leur «conception antiquaire de l’histoire», la démocratie, c’est le pouvoir : toujours démocratiquement conquis, mais que l’on se donne ensuite pour unique mission de conserver par tous les moyens. «Les socialistes ont passé 40 ans au pouvoir ; nous (les libéraux) y passerons au moins 50 ans», avait défié le Président Wade. C’est ainsi que depuis 4 ans, la promesse électorale de Macky Sall résonne en écho à celle de Wade et tient tout le pays en haleine. Avant de se raviser, pour comprimer et cacher sa parole d’honneur derrière la raide autorité de deux syllabes : «Avis». Depuis lors, les avis d’experts s’amoncellent sur celui du Conseil constitutionnel. Et, le plus doctement du monde, chacun prétend expliquer au peuple ce que l’un ou l’autre mot (Oui ou Non) a de si «vital» pour sa survie en tant que peuple, de si «révolutionnaire» pour notre démocratie.

Exactement comme en France (notre modèle) au 17e siècle, où une vive querelle a éclaté autour de la conjonction de coordination «Car». On eût cru que de ce mot en trois lettres, dépendait la survie de la langue et de la culture françaises. Aujourd’hui, avec toute cette effervescence autour de la campagne référendaire, au gré de leurs pérégrinations à travers le pays, nos gouvernants nous ont littéralement enfermés dans une parenthèse spatiotemporelle de festivités. Or, la fête, comme le souligne Roger Caillois, provoque toujours des «rassemblements massifs qui favorisent la naissance et la contagion d’une exaltation qui se dépense en cris et en gestes incitant à s’adonner sans contrôle, aux impulsions les plus irréfléchies. (…) Il n’y a pas de fête, même triste, qui ne comporte au moins un début d’excès.»

On croirait qu’une victoire du Oui ou du Non transformerait les députés en véritables représentants du peuple qui les a élus, et non de simples pions d’un parti qui les fait agir selon ses intérêts. Comme si à l’issue de cette consultation, Macky Sall prendrait conscience que désormais, il est «Son Excellence Monsieur le président de la République (soumis à un devoir d’excellence)», cesserait d’être chef de son parti, pour n’être plus que celui de l’Etat. Quant à nos 5 Sages, ils sont si sages qu’ils ne se laisseront jamais écorchés par des mots aussi pointus que Oui ou Non.

La Constitution est leur forteresse imprenable. Mais cette situation a quelque chose de tragiquement amusant et pédagogique à la fois : elle nous ramène à nos premières années d’apprentissage scolaire. En nous initiant à la langue française, nos aînés débitaient souvent cette sentence : «Anticonstitutionnellement, c’est le mot le plus long…!» Aujourd’hui avec notre regard d’adulte et à l’épreuve des faits de démocratie, nous constatons que la longueur est moins dans ce mot que dans son radical : Constitution. C’est en effet ce substantif qui est indéfiniment extensible. De sorte qu’en régime prétendument démocratique, il sert, en toute légalité, à fonder et justifier tous les abus, toutes les manipulations des gouvernants, dont les envies de pouvoir sont aussi élastiques que le mot et ses dérivés, y compris le plus antidémocratique d’entre eux : «anticonstitutionnellement !»

Ainsi va le Sénégal depuis 1960. Du temps historique, par lequel les grandes nations se forgent de grands destins, nos gouvernants ne retiennent et ne nous font retenir que sa dimension chronologique. En effet, au gré de la conquête, de la conservation ou de la reconquête du pouvoir, notre vie de citoyens est par eux réglée sur une horloge dont les uniques repères sont les périodes électorales. Si bien que finalement, nous sommes presque programmés pour vivre en permanence dans le souvenir d’une élection et l’attente d’une autre. Ce referendum participe de cette logique implacable. Quant au peuple, même démobilisé et démoralisé, il est toujours au rendez-vous et accomplit son devoir. Comme toujours, pour toujours.

La conscience de la durée se fait ainsi bonne conscience, et entretient indéfiniment l’espoir. C’est pour cette raison que depuis toujours, en attendant la prochaine élection, invariablement, il attend, s’attend à un véritable «Yokute». En attendant un Président qui nous donne le goût du sublime, pour la conquête de l’essentiel : un «Yokute» solidaire et partagé, et non solitaire et partisan… En attendant…

SENEWEB




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