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International

Chrétiens d’Orient : Marine Le Pen est restée au temps des croisades


Mercredi 22 Février 2017

En visite au Liban, la présidente du FN a assuré que la vocation de la France était de protéger les minorités chrétiennes au Moyen-Orient. Ses propos révèlent une vision erronée de la situation des chrétiens d’Orient, relève cette éditorialiste libanaise.


Montjoie ! Saint Denis ! On se croirait revenu au temps où, à l’aune de la septième croisade, Saint Louis se proclamait le défenseur des chrétiens d’Orient, et plus précisément celui des maronites. Le 24 mai 1250, dans une charte adressée au patriarche maronite, Louis IX aurait déclaré que “pour nous et nos successeurs sur le trône de France, nous promettons de vous donner à vous et à tout votre peuple notre protection spéciale comme nous la donnons aux Français eux-mêmes”. Une promesse que cherche à reprendre, à sa manière, Marine Le Pen, à l’occasion de sa visite au Liban.
La présidente du Front national et candidate à la présidentielle a souligné, dans une interview à L’Orient-Le Jour, “le rôle absolument essentiel de la France dans la protection des chrétiens d’Orient”, un “rôle historique qu’il n’est pas question d’abandonner”. Une responsabilité que la France aurait délaissée sous le mandat de Nicolas Sarkozy, juge Mme Le Pen, qui ne rate pas l’occasion de critiquer l’ancien président français qui, selon elle, “n’a rien compris aux aspirations (des chrétiens d’Orient) en leur proposant de ‘venir se réfugier en Europe’”. “Mon combat est que les chrétiens restent dans leur pays”, affirme Marine Le Pen, voulant s’inscrire dans la lignée de François Ier, mais bien plus encore de Napoléon III, venu à la rescousse des chrétiens du Levant lors des massacres de 1860. En 2015 déjà, Marine Le Pen, alors en visite au Caire, avait solennellement prévenu le pape copte Théodore II qu’elle “rendrait à la France sa vocation historique, sa mission protectrice des chrétiens d’Orient”, si elle était élue.
Un discours communautariste
Si elle peut séduire les principaux concernés, sa rhétorique sur les chrétiens d’Orient ne manque toutefois pas d’être marquée par de nombreuses contradictions. C’est en tant que “fille aînée de l’Église” que la France a longtemps assumé le statut de défenseur des valeurs chrétiennes en terre d’Orient. Une image qui ne colle plus vraiment à l’identité française depuis plusieurs décennies déjà.
Si Mme Le Pen reconnaît les “racines chrétiennes” de son pays, elle tend d’ailleurs à surtout mettre en avant la laïcité, affirmant ne pas avoir de “vision de communauté”. Comment donc assumer à la fois la laïcité dans son propre pays, tout en se voulant défenseur d’une minorité à l’étranger ? Le président Vladimir Poutine, qui surfe sur le même credo, assume, pour sa part, totalement la chrétienté de la Russie et son rôle sans équivoque de protecteur des chrétiens d’Orient. Cette vocation a notamment nourri l’argumentaire politique du président russe, lorsque Moscou est intervenu militairement en Syrie en septembre 2015, affichant son soutien inconditionnel au régime de Bachar El-Assad. Partir à la rescousse des chrétiens sert à légitimer son intervention en lui conférant une dimension religieuse. Difficile d’imaginer le pape François dire à Marine Le Pen que “(sa) présidence est un miracle”, comme l’avait déclaré le patriarche Kirill à Vladimir Poutine en 2013.
Le chant des sirènes de la candidate d’extrême droite destiné aux chrétiens d’Orient entre en conflit avec l’ADN du discours du FN. Ce dernier prône le renforcement de “l’unité de la nation par la promotion du roman national” et en appelle au patriotisme comme “antidote contre les conflits”. Tout le contraire d’une politique qui vise à aider particulièrement une communauté au détriment de toutes les autres. Un discours communautariste, en somme, pour une femme politique qui ne cesse pourtant d’en dénoncer l’essor en France.
Elle cautionne une dictature
Troisième contradiction du discours lepéniste sur les chrétiens d’Orient : Marine Le Pen considère que le président syrien Bachar El-Assad est un rempart contre les islamistes et seul protecteur des minorités qui composent son pays. “Les chrétiens d’Orient ne sont pas persécutés par Bachar el-Assad : ils fuient Daech”, twittait-t-elle en septembre 2016. Si une partie importante des chrétiens syriens ne souhaitent pas le départ du président syrien et craignent la prise du pouvoir par les islamistes, le clan Assad n’a pour autant jamais fait de la protection des chrétiens une ligne fondamentale de sa politique. Peu importe qu’ils soient chrétiens, druzes ou musulmans, les Assad ont éliminé toute forme d’opposition politique, en Syrie comme au Liban, durant plusieurs décennies.
La répression exercée par Damas n’a jamais fait de distinguo confessionnel, si ce n’est pour alimenter les tensions entre les communautés. Les représentants du clergé syrien sont persuadés, aujourd’hui encore, d’avoir fait le choix de la raison en soutenant Bachar el-Assad, plutôt que de se ranger du côté des opprimés. Les Syriens chrétiens restés au pays – certains n’ont pas d’autre choix – sont tolérés à condition qu’ils se soumettent au régime : c’est en tant qu’otages d’une dictature, qui instrumentalise les islamistes pour justifier son maintien au pouvoir, que Marine Le Pen semble souhaiter que les chrétiens d’Orient restent sur leur terre.
La présidente du Front national a raison de vouloir endiguer l’exode des chrétiens d’Orient. Rien qu’en Irak, plus de la moitié des chrétiens du pays ont fui depuis l’intervention américaine en 2003. Mais sa stratégie n’est certainement pas la meilleure. C’est un message qui défend la démocratie, la pluralité et le vivre-ensemble que les chrétiens d’Orient ont aujourd’hui besoin d’entendre. Un message qui ne fait aucune concession ni à l’islamisme radical ni aux dictatures sanguinaires, qui se nourrissent l’un de l’autre.
Avec courrierinternational.com



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