A son avers une tête de gazelle des sables entourée de tiges de maïs, de mil et de branches de cotonnier. A son revers une frise décorative composée de grains de café et d'arachide. Un poids d’or des Ashantis du Ghana devenu symbole de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Bceao). Il s’agit de la fameuse pièce de 5 francs Cfa appelée «Dërëm» dans le jargon des Sénégalais. Mais force est de constater que la pièce de 5 francs Cfa est en phase de disparition du circuit monétaire. Car, non seulement elle est devenue extrêmement rare, mais presque rien ne coûte plus 5 francs Cfa.
En effet, dans les supermarchés, supérettes et autres grandes surfaces, on ne peut rien acheter avec 5 francs Cfa. Mieux, rares sont les boutiquiers et autres commerçants établis dans les rues et ruelles des quartiers de Dakar et du reste du Sénégal qui proposent de la marchandise à 5 francs Cfa. Même un bonbon pour enfant ne coûte plus 5 francs Cfa. Jadis avec 5 francs Cfa on pouvait avoir un morceau de sucre que les boutiquiers détaillaient. Désormais c'est à partir de 25 francs Cfa pour les trois morceaux. D’ailleurs, aucun enfant n’accepte plus le «Dërëm» en guise de cadeau.
Voir une pièce de 5 francs relève presque de l’exploit
Dans un coin du populeux quartier de Guédiawaye se trouve la boutique de Alpha, un ressortissant guinéen. Installé derrière son comptoir en fer, le boutiquier est très occupé en ce début de matinée du mardi. Les clients sont en effet nombreux à cette heure à se procurer du pain, du sucre, du beurre, du lait ou du café pour le petit déjeuner. Aucun client n’a demandé un article qui coûte 5 francs Cfa, simplement parce qu’il y en a presque pas dans la boutique.
Le boutiquier qui a fait une pause de quelques minutes pour nous répondre explique : «On ne vend plus rien à 5 francs Cfa, même les bonbons pour enfants coûtent 10 francs Cfa et 25 francs Cfa. Il est même rare que l’on voit une pièce de 5 francs Cfa, souvent même quand on est confronté à des problèmes de monnaie, on n’a pas ce type de pièce. Pour s’en sortir, on donne au client un bonbon qui coûte 10 francs Cfa à la place de la pièce de 5 francs Cfa. Par exemple, quand je dois rentre 15 francs Cfa à un client, je lui donne 20 francs Cfa en deux pièces de 10 francs Cfa. Ici, dans la boutique, rien ne coûte 5 francs Cfa, même pas une aiguille à coudre. Je vous assure que le plus petit bonbon est à 10 francs Cfa».
Dans une autre boutique au décor presque pareil Mamadou Ba nous tient le même discours. «Plus rien ne se vend à 5 francs Cfa. Les bonbons et sucreries se vendent entre 25 et 50 francs Cfa, les chocolats à 100 francs Cfa. Et ce sont là les plus petit prix. Même le sel qui est moins cher, car le kilogramme coûte 200 francs Cfa, on le revend en sachet de 25 francs Cfa. Pareil pour le bonbon ‘Menthe fraîche’ qui s’échange à 10 francs Cfa», informe Ba, le boutiquier.
Dans le magasin de Saliou par contre avec 5 francs Cfa, on peut avoir un minuscule bonbon qui ne peut même pas régaler un gosse de moins de 5 ans. «Il n’y a que le bonbon menthe qui coûte 5 francs Cfa ici. Les biscuits que les enfants achètent sont 50 francs Cfa. Quand les enfants viennent acheter ils apportent toujours plus de pièce de 5 francs Cfa. En général, c’est 25 ou 50 francs Cfa que leur donnent leurs parents. Parce que tout le monde sait qu’on ne peut rien s’offrir avec une pièce de 5 francs Cfa. Du reste, c’est une pièce extrêmement rare. Moi, je peux rester longtemps sans en voir une», renseigne-t-il.
Quand voir un pièce de 5 francs étonne les boutiquiers
A Dieuppeul, nous entrons dans la boutique de Barry avec une pièce de 5 francs Cfa que nous lui tendons. Mais dès qu’il pose les yeux sur la pièce, son premier réflexe est d’afficher un sourire qui en dit long sur son étonnement. «Vends-moi quelque chose qui coûte 5 francs Cfa», lançons-nous au boutiquier qui se retourne alors vers son étagère achalandée d’une multitude d’articles.
Au bout d’un moment d’observation de ses produits, voilà que Barry se tourne vers nous, sans se saisir de la petite pièce de monnaie, la plus petite disponible et qui a cours au Sénégal, il nous rétorque qu’il ne peut rien faire pour nous. «Je suis étonné que vous tendiez une pièce de 5 francs Cfa pour acheter quelque chose. Même les enfants ne se promènent plus avec une si petite somme. Il n’y a rien dans ma boutique qui coûte 5 francs Cfa. Pas même une aiguille», nous lance–t-il tout en souriant.
Et au moment où nous prenons congés, il lâche : «Vous savez qu’il y a des mois que je n’ai pas vu une seule pièce de 5 francs ? Vous devriez me laisser celle que vous avez pour que je la garde comme souvenir».
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