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Société

CONTESTATIONS RECURENTES DES DECISIONS DE JUSTICE: LE DROIT, SELON QU’ON EST DANS L’UN OU L’AUTRE CAMP


Mardi 24 Février 2015

C’est devenu presque une règle au Sénégal. Lorsqu’une décision de justice est rendue, surtout sur un dossier proche du milieu politique, le lendemain, des citoyens investissent la rue pour protester. Selon des Sénégalais interrogés, cette situation serait liée « aux mains invisibles de l’exécutif dans le fonctionnement de la justice » depuis toujours. Ce qui fait croire à certains que les décisions rendues sont dictées.

C’est devenu un constat général au Sénégal. Les décisions de justice sont de plus en plus contestées par les justiciables sénégalais. Surtout celles qui ont un lien avec la politique. Ils le font soit directement à travers la voie légale, celle de recours dans une juridiction supérieure pour réexamen, soit indirectement à travers des manifestations populaires. Le dernier cas de figure est d’ailleurs la plus visible ces temps-ci.

La dernière contestation d’une décision de justice en date est celle des jeunes de Colobane, non contents de la lourde sanction pénale infligée à un des leurs à l’occasion de la récente session d’Assises.

Certains parmi eux sont montés au créneau pour protester contre cette décision prise par le juge et ses deux assesseurs. Ils ont même menacé d’observer une grève de la faim pour exprimer leur désaccord avec cette décision de justice. Effet de mode ou manque de confiance à la justice ?

Pour Mady Boiré, Professeur de Droit à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, il y a un principe en droit qu’on appelle le double degré de juridiction. « Dans une démocratie lorsqu’une personne n’est pas d’accord sur une décision rendue par une juridiction inferieure, elle a le droit de faire appelle devant la Cour d’appel et ensuite devant la Cour suprême pour y être rejugée. C’est la possibilité qui est donnée à un plaideur de contester une décision de justice », a précisé l’enseignant.

Selon lui, dans un Etat de droit, les citoyens indirectement concernés par une décision peuvent aussi décider de la comprendre, de l’accepter ou de la contester. « C’est l’affirmation d’une réelle démocratie, d’un droit d’expression dans une Etat de droit », a relevé le Pr Boiré.

Prenant exemple sur la condamnation des jeunes de Colobane qui fait l’actualité ces temps-ci, il estime que c’est normal que des populations puissent penser que la peine prononcée contre ces jeunes, qui ne reconnaissent pas les faits qui leur sont reprochés, est trop lourde.

« Confiance en notre justice...»

« Nous avons confiance en notre justice. Mais aujourd’hui, nous sommes passés du paradigme d’une confiance décrétée en une confiance justifiée. C'est-à-dire qu’on ne peut pas se prévaloir d’une confiance affichée dans les textes. Les juges doivent justifier cette confiance avec les actes qu’ils posent au quotidien », a dit l’avocat inscrit au barreau de Paris.

Le juriste ajoute que « si les actes posés sont de nature à laisser voir qu’il y a une justice à deux vitesses, les citoyens ont aussi le droit de les contester », a soutenu le Professeur de Droit. Mais quoi qu’il puisse en être, insiste le Pr Boiré, la voie normale pour contester une décision n’est pas la voie médiatique.

« On peut utiliser les media pour attirer l’attention des uns et des autres, mais la voie normale est celle juridictionnelle», a-t-il reprécisé.

Pape Cheikh Diémé, enseignant en Sciences naturelles, lui, pointe du doigt l’immixtion supposée du pouvoir exécutif dans la marche du pouvoir judiciaire. « Tant qu’il y a la prégnance du pouvoir exécutif dans la marche du pouvoir judiciaire, la population ne va jamais cesser de contester les décisions de justice qui seront rendues selon qu’on est dans l’un où l’autre camp », a-t-il déclaré. Selon lui, le vrai débat qui mérite d’être posé aujourd’hui est celui de l’indépendance de la justice.

« Si on veut que les gens aient confiance à la justice de leur pays, il faut que celle-ci montre davantage un visage beaucoup plus rassurant en prenant son indépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif. L’indépendance de la justice ne s’offre pas, elle s’acquiert », pense l’enseignant.

L’autre chose, poursuit-il, c’est qu’il faut arriver à ce que la promotion des magistrats se fasse entre pairs, sans aucune intrusion des autorités politiques. « Cela permettrait aux magistrats de faire correctement leur travail sans aucune crainte carriériste », a-t-il proposé.

Séparation des pouvoirs

Siméon Diédhiou, Oumar Ba Coly et Amadou Lamine Ly, tous étudiants en Master 2 à l’Ucad, partagent presque le même avis sur la question. Selon eux, la séparation des pouvoirs entre l’exécutif et le judicaire doit être nette. « Ce problème a traversé tous les régimes au Sénégal. Malgré cette indépendance souvent décrétée, il y a toujours la main invisible de l’Etat dans le fonctionnement de la justice. C’est ce qui fait que souvent les décisions rendues, surtout celles qui concernent les hommes politiques ou qui ont des liens avec la politique, sont souvent contestées par le camp adverse », affirme M. Diédhiou.

Souleymane Ndiaye est formel. Selon ce marchand ambulant rencontré au marché de Colobane, c’est la politique qui est à l’origine de tout cela. « L’ancien Président Abdoulaye Wade n’a pas cessé ces temps-ci de demander au Président Macky Sall de libérer son fils. Cela en dit long sur la proximité entre la justice et l’exécutif. Si Abdoulaye Wade tient de tels propos, cela veut dire que lors de son magistère, il a eu à faire des interventions dans des dossiers judicaires soit pour faire emprisonner ou libérer des personnes », a argumenté le commerçant en wolof.

Pour M. Ndiaye, tant que les juges ne prennent pas totalement leur indépendance vis-à-vis des pouvoirs exécutifs en place, les gens douteront toujours du bienfondé de leurs décisions

LESOLEIL





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