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Société

Baobab sacré de Fadial: L’ancien cimetière des griots résiste au temps


Lundi 14 Septembre 2020

Le baobab de Fadial, c’est plus de 800 ans d’existence. Ancien cimetière des griots, cet espace sacré est devenu un lieu de tourisme, de commerce et de prière.

Au bord de la route qui mène à Mbissel en venant de Joal, un baobab géant s’impose. C’est un mastodonte, si on le compare aux autres baobabs qui poussent au Sénégal. Ce baobab est connu sous l’appellation de « baobab sacré de Fadial ». Mais, en réalité, il se trouve dans le village de Ndiarogne, plus précisément dans le hameau de Diyabougou. C’est le plus gros baobab du Sénégal avec ses 35 mètres de pourtour, si l’on en croit le conservateur Massamba Sall. On retrouve ce guide couché contre les grosses racines apparentes de cet arbre géant en attente de visiteurs. Depuis plusieurs années, ce baobab est devenu un passage obligé pour les touristes et les voyageurs qui empruntent la route Joal-Mbissel-Keur Samba Dia. Le baobab de Fadial, selon le conservateur, a 850 ans d’existence, c’est-à-dire 8 siècles et demi. Un trou d’une petite largeur d’à peine 50 centimètres permet d’accéder à l’intérieur. Massamba Sall entre le premier. Entrer dans ce baobab requiert tout une technique et une témérité. Il faut d’abord faire rentrer la première jambe, ensuite le corps avant que la deuxième jambe ne puisse suivre. Sans difficulté, le conservateur accède à l’intérieur. C’est autour du reste du groupe de l’imiter. À l’intérieur du baobab, tout est sombre à tel point qu’on a du mal à voir ce qui s’y trouve. On aperçoit difficilement, haut perché, des chauves-souris poussant des cris stridents. Ces mammifères assurent la pollinisation du fruit du baobab appelé pain de singe. Cependant, Massamba Sall explique que le « baobab sacré » de Fadial est un peu particulier car il ne donne pas de pain de singe. Sa cavité intérieure servait de cimetière aux griots de la localité.

À leur mort, ils étaient momifiés à l’intérieur du baobab. Pour ces populations qui étaient à l’époque des animistes, les griots ne pratiquaient pas l’agriculture et les enterrer sous terre rendrait la terre infertile. Depuis plusieurs années, les griots y étaient accrochés. C’est finalement en 1960, raconte le conservateur Massamba Sall, que cette pratique a été interdite. Les enfants des griots de cette contrée ne supportaient plus cette souffrance de voir les corps de leurs parents décédés à l’intérieur de ce baobab.

Baobab sacré, personne n’ose toucher à ses feuilles encore moins à ses racines. Massamba Sall renseigne que tout dans le baobab, désigné comme emblème du Sénégal, est utile pour la société sénégalaise. Ses feuilles cueillies, séchées au soleil et réduites en poudre entrent dans la préparation du couscous sénégalais. Cette poudre appelée « laalo » « facilite la digestion », explique M. Sall. Quant à l’écorce, elle permet la fabrication de cordes pour attacher les animaux, entre autres. « Si vous grattez l’arbre, ça devient vert et au bout de quelques minutes la sève sort. Cette sève, mélangée avec de la gomme arabique, sert à fabriquer des tableaux », nous explique encore Massamba Sall, accompagné de son ami, qui a su percer tous les secrets sur l’utilité du baobab.

Même les lézards et les écureuils se nourrissent de cette sève du baobab car son bois est très spongieux et facile à percer. Autre secret du baobab, ses racines permettent de teinter les pagnes. Le procédé est tout simple, d’après le conservateur. Il suffit juste de mettre un morceau de la racine dans une marmite et de le laisser bouillir. Le résultat va donner « une belle teinture marron », précise-t-il. Du fait de sa longévité, le baobab s’est ouvert à l’intérieur. Pour Massamba Sall, après 500 ans d’existence, une cavité se forme à l’intérieur des baobabs. Mais ensuite, cette cavité a tendance à se refermer. « Comme c’est l’arbre sacré du village, on arrive à préserver l’entrée dans la cavité pour ne pas manquer les sacrifices », dit-il.

Lieu de sacrifices

Le baobab de Fadial est un lieu sacré pour les habitants de l’agglomération du Mbanj Fadial. À l’approche de l’hivernage, quand les pluies tardent à tomber, les femmes viennent avec du lait caillé pour faire des prières. Sous l’ombre du feuillage de cet arbre géant, elles chantent et dansent pour implorer les esprits. En dehors des touristes, des religieux passent aussi visiter cet arbre sacré. L’endroit est un lieu de prière. Faisant appel à l’histoire, Massamba Sall informe que vers les années 1910, une personne que les populations qualifiaient de fou squattait l’ombre du baobab. En réalité, il n’était pas atteint d’une folie. Il récitait en permanence des versets du Coran. « Lorsque nos arrières grands-parents ont compris qu’il y a une personne qui lisait le Coran devant le baobab, il a disparu. Si l’on fait des vœux ici, ils se réalisent. C’est un lieu de prière », renseigne le conservateur.

L’axe Joal-Sambadia est très fréquenté depuis que la route a été goudronnée. Des voyageurs descendent toujours à hauteur de Fadial pour visiter ce baobab sacré. Massamba Sall souligne que cet arbre peu ordinaire doit être mieux connu des Sénégalais.

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MASSAMBA SALL, CONSERVATEUR DU BAOBAB SACRÉ DE FADIAL

Un toucouleur gardien d’un temple sérère

C’est un homme au commerce facile. Quand Massamba Sall accueille des visiteurs du « baobab sacré » de Fadial, c’est son large sourire laissant apparaître un diastème qu’on aperçoit en premier. Il se lève, dirige ses invités vers la devanture du grand trou qui donne accès à l’intérieur du baobab. Avant de commencer à disserter sur l’historique de cet arbre sacré, il demande au visiteur de saluer l’esprit du baobab en posant sur l’arbre sa main gauche. Massamba Sall, qui se présente comme le seul toucouleur conservateur d’un « baobab sacré » des Sérères, maîtrise bien son histoire. À force de la répéter pendant plus de deux décennies, il a tout retenu dans sa tête. Massamba Sall se débrouille bien en Français. Pourtant, il a le niveau de la 5ème secondaire. Il a arrêté ses études suite au décès de son papa. Une épreuve que le jeune Massamba, à l’époque, avait du mal à encaisser. Pour cause, son père était la seule personne sur qui la famille comptait pour se nourrir. Malgré son jeune âge, il a pris l’engagement d’assurer la relève. Ainsi, il a dû quitter les bancs pour se trouver un travail lui permettant d’assurer la dépense quotidienne. Il commence à travailler comme apprenti-chauffeur. En 1998, il obtient son permis de conduire de poids lourd. C’est cette même année que Massamba Sall a commencé à fréquenter le « baobab sacré » de Fadial comme conservateur. Ça dure depuis 22 ans. Aujourd’hui, ils sont six conservateurs et travaillent grâce à un système de rotation qu’ils ont mis en place. Habitant à Ndiarogne, Massamba Sall gagne son pain au « baobab sacré » et s’est bien intégré en pays sérère où il est né. Le cousinage à plaisanterie aidant, il dit que sa famille est très à l’aise avec ses cousins sérères. Le travail de conservateur est plus qu’un gagne-pain pour lui. C’est devenu une passion. Massamba Sall ne fixe pas de prix à payer après une visite guidée autour du baobab. Sa philosophie : « C’est le cœur qui donne ».

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Un lieu de commerce pour des artisans locaux

Beaucoup de petites cantines de commerce sont construites aux alentours du « baobab sacré » de Fadial. Elles sont occupées par des artisans locaux qui viennent des villages de la communauté du Mbanj Fadial et des localités environnantes. Les lieux sont très animés. Des artisans s’y activent dans la réalisation d’objets d’arts. Ils jouent à la belote devant leurs cantines attendant les clients nationaux en visite sur la Petite-Côte en cette période de pandémie marquée par la rareté des touristes étrangers. D’autres, certainement pas trop intéressés par ce jeu, sont à l’écart. Pendant ce temps, une grosse marmite est posée sur des braises un peu plus loin. Elle est tenue par un homme, un artisan de surcroît. La cuisson bien faite, le repas est partagé entre trois bols. Tout le monde se met à genou pour prendre le déjeuner. Ce système permet aux 36 artisans qui mènent leurs activités à l’ombre du baobab de se restaurer sur place. Ils ne sentent pas le besoin de rejoindre leurs localités respectives à l’heure du repas. Même si « le travail tourne au ralenti », comme l’indique un d’entre eux Ndiaga Gassama, les artisans n’ont pas perdu le sens du partage et de la vie en communauté. Le travail au quotidien est bien organisé. Ils ne viennent pas mettre la pression sur les visiteurs pour vendre leurs produits. C’est au conservateur, après la visite des touristes, de les orienter vers une boutique s’ils veulent acheter des objets d’art, informe Ndiaga Gassama. Le « baobab sacré » de Fadial est aussi un endroit de commerce pour les artisans. Une autre règle de solidarité instaurée par ces derniers est qu’en fonction du revenu quotidien, les artisans mieux nantis remettent une somme à ceux dont la journée n’a pas été fructueuse.

 
 
 

aadkr


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