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International

BELGIQUE: Molenbeek, la plaque tournante belge du terrorisme islamiste


Lundi 16 Novembre 2015

« Bienvenue » : une bande défilante rouge parcourt la vitrine du café Al Jazira, où quelques hommes, debout à la terrasse par ce dimanche de novembre inhabituellement clément, s’amusent : une journaliste britannique se poudre le visage et se laque les cheveux au coin d’une rue voisine, avant de commencer un direct. « Ça y est, on est enfin devenus célèbres, ironise Hicham. Dommage que ce soit pour ce qui s’est passé vendredi. »


BELGIQUE: Molenbeek, la plaque tournante belge du terrorisme islamiste

Si sa réputation était déjà établie en Belgique , la municipalité de Molenbeek-Saint-Jean a conquis une renommée internationale en quelques heures. Pour beaucoup, elle est effectivement devenue l’une des bases européennes du terrorisme. Les arrestations survenues dès samedi soir, en liaison directe avec les attentats de Paris , ont conforté une réputation qui n’est pas totalement usurpée : la liste des personnes qui sont passées par Molenbeek avant d’être impliquées dans des actions terroristes impressionne.

La tuerie du Musée juif de Bruxelles (mai 2014), la cellule de Verviers démantelée lors d’un assaut policier mortel (janvier 2015), l’attaque avortée dans un Thalys Bruxelles-Paris (août 2015) : toutes ces affaires avaient un lien avec ce quartier populaire de l’ouest de Bruxelles, l’un des plus densément peuplés de la région avec ses  97 000 habitants concentrés sur moins de 6 km².

Si l’on remonte plus loin dans le temps, c’est de Molenbeek que sont partis les tueurs du commandant afghan Ahmed Shah Massoud, principal adversaire du régime des talibans, assassiné par deux faux journalistes, sur ordre d’Oussama Ben Laden, deux jours avant le 11 septembre 2001. Ici, aussi, que vécurent deux des protagonistes des attentats de Madrid, qui firent 191 morts en 2004.

Ghetto 

De tout cela, trois hommes sur un banc de la chaussée de Ninove ne veulent riendire. Face à la photo  devenue célèbre d’Abdelhamid Abaaoud, un gamin du cru qui a rejoint les rangs de l’Etat islamique, posant au volant de son pick-up qui remorque des cadavres, ils se détournent. Et ils n’ont pas d’avis à propos d’une autre photo, celle du frère d’Abdelhamid, 14 ans, posant une « kalach » à la main. Au bout de quelques minutes, l’un des trois interlocuteurs dira toutefois : « Je connais leur père, il a dit qu’il avait honte de son aîné. »

Le déni et le ras-le-bol : c’est entre ces deux pôles qu’oscillent aussi les réactions de nombreux jeunes. « Amalgames ! Amalgames ! » criera l’un d’eux lors d’un direct de la RTBF. Deux autres se sont énervés, giflant un photographe et brisant son appareil, la veille. Un légumier commente : « Ils sont stupides, mais, vous savez, moi, je vis ici depuis trente ans, à une époque où il n’y avait pas Daech et pas d’attentats, mais où nous étions déjà montrés du doigt… »

Un jeune homme, survêtement gris, barbe courte et capuche sur la tête, s’éclipse. Il nous attend un peu plus loin, à l’abri des regards. « S’il vous plaît, comprenez que si beaucoup de jeunes d’ici sont partis en Syrie, c’est surtout parce que personne ne s’est jamais vraiment occupé d’eux, jusqu’à ce que des fanatiques leur donnent l’impression qu’ils allaient enfin exister. Moi, j’ai fait des études et je parle le français, l’arabe et le néerlandais. Mais pour rechercher  un travail, je mentionne l’adresse d’un ami, qui n’habite pas Molenbeek. »

Hâtivement présentée comme un ghetto, la municipalité est, en réalité, très contrastée. Il y a trois Molenbeek : celui de longues avenues, où des barres d’immeubles cossus abritent une bourgeoisie moyenne, celui de maisons individuelles « où il fait bon vivre », comme le dit ce client de la brasserie la Queue de la vache, et celui du « quartier arabe », autour de la chaussée de Gand. Là, les femmes sont majoritairement voilées et les clients d’origine belge rares. « Donne-moi la main, sinon un méchant va te prendre, lâche une jeune mère à son blondinet de fils. Je viens ici pour faire  de bonnes affaires, mais je ne suis pas à l’aise », murmure-t-elle.

Déradicalisation

« Je vais faire le ménage dans cette commune », a, de son côté, déclaré le ministre de l’intérieur, Jan Jambon. Ce nationaliste flamand ne comprend pas pourquoi des programmes de déradicalisation lancés en Flandre ne fonctionnent pas à Bruxelles. Il compte donc s’en occuper  « personnellement ».

« Tant mieux ! » répond la bourgmestre (maire), Françoise Schepmans, qui en appelle notamment à des moyens policiers supplémentaires. Elle est membre du parti libéral du premier ministre, Charles Michel. Celui-ci a qualifié dimanche de« problème gigantesque » le lien entre Molenbeek et divers dossiers de terrorisme. Et estimé que le précédent maire, le socialiste Philippe Moureaux, était le responsable de la situation.

« Des faits comme ceux auxquels nous assistons ne se sont jamais produits lorsque j’étais aux commandes », a répliqué ce dernier. En déplorant que la police locale ait été « décapitée » et que la population  vive désormais « repliée sur elle-même », M. Moureaux estime que la colère du gouvernement est due à l’échec des services de renseignement. En Belgique aussi, la politique  reprend vite ses droits.

LEMONDE




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