Aminata Touré, ancien Pm du Sénégal- « Je n’ai pas vu de changements dans la politique de promotion de la bonne gouvernance »

L’ancien premier ministre du Sénégal, Aminata Touré revient dans cet entretien accordé à RFM le rapprochement entre Me Abdoulaye Wade et le président Macky Sall, ses activités politiques en dehors du gouvernement et son avenir politique.

Après votre départ du gouvernement, vous aviez dit que vous avez des dettes de sommeil à payer. Est-ce que c’est fait ?

J’ai fini de payer mes dettes de sommeil. J’ai fait quelques voyages. Je suis occupée vous savez en dehors d’une vie gouvernementale, il y a une autre vie. Puisque comme je l’ai dit je n’ai été dans un gouvernement qu’il y a deux ans.

Vous faites quoi comme travail ?

Je travaille dans le développement, je participe à de nombreuses conférences, je donne des avis. C’est ce que je fais, travaille essentiellement dans le développement international. J’ai des rencontres aussi politiques au niveau national et international.

Pour vous ou pour la réélection du président Macky Sall ?

Oui mais la politique elle est forte hein. Je suis militante de l’Apr, je milite aussi pour des causes qui ont un impact international. Par exemple je vais à une conférence pour la sécurité humaine qui est une préoccupation de nos pays pour que chaque famille puisse avoir accès à un minimum de service qui lui permette d’avoir une vie digne.

Est-ce que vous travaillez pour la réélection du Président Macky Sall ?

Si je suis à l’Apr évidemment c’est le parti que préside le président de la République. Cela va de soi qu’on est dans le parti on estime qu’il faut approfondir ce qu’il est en train de faire, ce qu’il a fait depuis deux ans.

Aujourd‘hui l’actualité politique est dominé par ce qu’on a appelé dans la presse le rapprochement entre l’Apr et le Pds, le président Macky Sall et l’ancien président Abdoulaye Wade. Moi je me disais que Mme Aminata Touré ancien premier ministre est en train de se dire que tout ça pour ça ; ou bien ?

Mais d’abord ça c’est des rumeurs. Je ne l’ai lu que dans la presse. Je pense qu’il ne faut pas faire carême avant pâques. Je ne pense pas du tout que cela soit une préoccupation du président Macky Sall. J’en ai la conviction. Je pense qu’il a fait du bon travail dan le cadre de la bonne gouvernance, de la lutte contre l’impunité. Je l’ai entendu dire à plusieurs reprises que c’est sa préoccupation essentielle. En tout cas moi je l’encourage à persévérer dan cette voie et je pense jusqu’à preuve du contraire c’et ce qu’il est en train de faire. Je n’ai pas vu autre chose. Tout le reste à mon avis n’est que supputation.

Mais son premier ministre a été voir Abdoulaye Wade qui lui a demander de dire à Macky qu’il a sa nostalgie. Tout ça quand même c’est du réel ?

Mais ça je n’ai pas d’information. Moi j’analyse et je tire des conclusions sur du concret. Le président de la république je ne l’ai pas entendu changer de position. Je ne le pense pas parce que c’est un engagement fort qu’il a pris devant les sénégalais. Il a posé des actes concrets.

Il faut rappeler que jamais dans l’histoire du Sénégal des mesures en matière de bonne gouvernance ont été prises avec l’amplitude que l’on a connu durant ces deux dernières années c’est son initiative, c’est lui le président de la république. Et je crois que les sénégalais saluent cela et l’encourage à persévérer dans la voie de la préservation de nos ressources publics.

Il a mis en place des mécanismes de lutte contre la corruption, la déclaration de patrimoine, tout cela est très avant gardiste et je pense qu’il compte persévérer dans cette voie là. En tout cas je l’encourage à continuer dans cette voie là.

J’ai été à beaucoup de conférences et l’exemple du Sénégal est souvent cité. Les sénégalais également encouragent le régime à aller dans ce sens là.

Pour qu’il y ait une justice pour tous, pour que comme je l’ai dit, il y a une lutte efficace contre la délinquance financière à col blanc. Parce que nos pays sont des pays pauvres. Et des ressources on en a besoin dans l’éducation etc.

Est-ce que vous êtes en train de nous dire que se rapprocher du Parti démocratique Sénégalais se serait trahir l’élan de bonne gouvernance entamée depuis le début de son mandat ?

Je ne suis pas dans la supputation. Je parle de faits réels. Je n’ai pas vu de changements dans la politique de promotion de la bonne gouvernance. Et je ne pense pas justement que des approches politiciennes puissent changer cela. En tout cas je ne l’ai pas vu ni entendu de la part du président de la république qui est le président de l’Apr. Je ne l’ai pas entendu, je ne l’ai pas vu. J’ai vu dans la presse etc. Et je pense qu’il est dans la bonne voie, dans la bonne direction. Il faut approfondir, j’ai lu le décret d’application relatif à la déclaration de patrimoine pour rendre effectif la loi. Donc je crois que c’est ce chemin là qu’il est en train de poursuivre et ça n’a rien à voir avec la politique.

Vous dites que vous travaillez sur du concret et nous aussi, mais aujourd’hui se rapprocher d’Abdoulaye Wade c’est bien ou c’est mal ?

Vous savez ce rapprochement je parle de faits hein je ne l’ai pas vu. Personnellement je suis membre de l’Apr je n’ai pas vu une déclaration.

Peut être vous n’avez pas voulu voir cette déclaration ?

Je vous dis on travaille sur du concret, je n’ai pas vu une déclaration de l’Apr qui sanctionne un rapprochement. Maintenant vous me demandez ma position par rapport à ça je pense qu’on a connu une alternance. Une alternance à un régime, maintenant n’oublions pas qu’elle nous a coûté des morts à la place de l’Obélisque dont Mamadou Diop. Et tout cela s’inscrivait dans la constitution qui fait partie également de la bonne gouvernance. Et tout cela s’inscrit dans une trajectoire qui doit être renforcée et qui doit continuer. Je le dis et je le répète je ne pense pas et je ne crois pas que ce chemin là on doit en sortir. Je pense qu’aujourd’hui les sénégalais nous encourage à persévérer dans cette voie de la lutte contre l’impunité de la corruption etc. C’est ça le plus important, tout le reste n’est que supputation.

Vous avez dit que c’est lui même qui a défini la politique mais tout le monde sait que c’est vous Aminata Touré qui avez été l’architecte, la maitresse d’ouvrage de ce qu’on appelle la lutte contre la mauvaise gouvernance. Aujourd’hui est-ce que ce n’est pas ce legs que vous êtes en train de défendre ?

Mais j’ai eu à accomplir toutes ses actions sur ses instructions. Je redéfinis encore le rôle du président de la république. J’étais ministre de la justice, c’est lui qui définit la politique de la nation et les ministres l’exécutent. Donc c’est un engagement politique qu’il a pris devant les sénégalais qui l’avaient élu à 65% et il a pris des actes concrets qui vont dans ce sens là. Je n’ai pas entendu une option contraire ou qui va dans un autre sens. Je pense qu’aujourd’hui qu’il faut persévérer, c’est une expérience qui peut être difficile parce que y a beaucoup d’émotion j’en sais quelque chose.

Qu’on puisse avoir dans notre pays ce mécanisme qu’on a mis en place. Sur sa décision politique c’était sa vision, c’était dans son programme de campagne, il l’a réalisé. Et aujourd’hui il faut renforcer ce mécanisme là pour qu’il soit pérenne. Pour qu’après lui, ses successeurs n’aient d’autre tâche que de poursuivre cette marche vers la bonne gouvernance. Parce que je pense que pour les pays africains comme les nôtres c’est la condition pour que les politiques de développement puissent marcher.

Alors est-ce que vous pouvez répondre par oui ou par non si se rapprocher du Pds est une bonne chose politiquement ou pas ?

Moi je pense qu’on est dans un régime démocratique ou il faut une opposition et des partis qui gouvernent. C’est clair, le Pds s’oppose, l’Apr Benno bokk yakkar gouverne. C’est le système démocratique tel qu’il existe et qui existera partout. On n’aura jamais tous les partis qui seront d’un côté. Cela ne fonctionne pas comme ça. Je ne sais pas ce que se rapprocher du Pds veut dire, je n’ai jamais été militante du Pds. Je suis militante de l’Apr. L’Apr a eu par la voix de son président qui était candidat un programme sur lequel il s’est engagé.

Le président de la république a pris des décisions fortes en matière de lutte contre la corruption, en matière de lutte contre l’impunité en général et c’est cette voie là qu’il faut poursuivre. Et Macky Sall à mon avis est dans cette voie là. Je n’ai pas entendu d’avis contraires.

Aujourd’hui économiquement comment va le pays à votre avis ?

Je l’ai déjà dit. On est dans un monde où la situation économique est difficile. Le monde entier vous allez aujourd’hui vous regardez l’économie de la France, vous regardez l’économie des Etats-Unis qui est une économie dynamique vous regardez même l’économie de la Chine qui a connu une régression.

La situation mondiale est difficile, nous sommes un pays à ressource limitée, nous dépendons beaucoup de l’aide ça ne peut pas être des croissances telles qu’on les souhaiterait.

Mais je pense qu’on est dans la bonne voie, ce n’est pas facile, il faut qu’on se le dise on a beaucoup vécu en dessus de nos moyens. On dépense beaucoup plus qu’on produit. On n’épargne pas ce qui fait qu’il est difficile de réorienter.

Personnellement je pense qu’il faudrait discuter avec nos partenaires sur la réduction du déficit. Je ne peux pas réduire de manière drastique les déficits budgétaires tels qu’on les a connus. Il faut beaucoup plus de liquidité injectée dans l’économie pour que les rouages soient un plus souples.

Ca également il faut qu’on le reconnaisse et qu’on discute avec les sénégalais. Il faut des mécanismes d’appui. Je pense que la politique sociale est là pour soutenir les ménages dans ces conditions qui ne sont pas faciles. Mais la vie facile elle n’existe pas. Comme je dis dans une situation comme la notre il faut avoir une communication expliquée.

Je pense que je ne suis plus dans le gouvernement voilà c’est ce qu’il faut faire. Y a des contraintes aussi, le gouvernement travaille mais les sénégalais aussi travaillent.

Parce qu’on a tendance à penser que c‘est le gouvernement qui va tout faire. Pour les citoyens chacun là où il est vous avez vu beaucoup de gens qui travaillent pour eux même dans les Pme, dans les entreprises, dans les marchés les tailleurs etc.

Ils ont besoin d’accélérer leurs propre cadences. Ca me permet de parler des congés, on est dans un pays où on a beaucoup de jours de congés. Le patronat s’en est plaint mais ça a des conséquences également du point de vue de notre productivité et de notre compétitive. Parce que quand d’autres pays travaillent plus que vous, ils sont plus compétitifs. Ça également ce sont des discussions qu’il faudrait avoir avec nos concitoyens de manière pédagogique et didactique pour que les gens comprennent qu’il n y a pas de volonté de serrer les boulons. Mais il y a une logique qui fait qu’on ne récolte que ce que l’on a semé aussi. Ça c’est un vieux proverbe aussi.

Alors votre successeur va présenter sa déclaration de politique générale à l’assemblée nationale dans quelques jours, est-ce qu’en un an avec le même président on peut dire quelque chose de nouveau ?

Oui. Je lui souhaite juste un bon exercice c’est tout ce que je peux dire. Je pense qu’il est compétent et face aux députés il expliquera ce qu’il compte faire. Je suis maintenant une citoyenne, j’observe et j’attends de voir…

Mais vous avez très bien compris la question ?

Oui. La question c’est ce que je vous répond. Laissez le présenter sa politique et voir les nouveautés qu’il y a. il va certainement s’inscrire dans une continuité tel que je m’étais inscrite quelque part dans la continuité au premier ministre que j’avais succédé.

Aujourd’hui avec le recul vous vous êtes définitivement arrêtés sur ce qui vous a coûté votre poste de premier ministre?

Ça j’ai tourné la page. Comme je l’ai dit c’est un contrat à durée déterminée et je suis arrivée en fin de contrat et ma vie continue.

Est-ce que démettre ceux qui ont perdu des élections locales était une bonne chose pour votre parti ?

C’est le président du parti qui en a fait son approche. Bon il faudra lui poser la question la prochaine fois que vous aurez à l’interroger. Comme je l’ai dit cela n’a plus d’importance pour moi. Je regarde devant moi et je regarde le futur.

Le futur ça devrait ressembler à quoi votre futur ?

C’est un futur de militants. Je milite depuis très longtemps, depuis l’âge de 14 ans. Maintenant je m’intéresse aux questions de développement à l’avancement de notre pays à l’organisation politique qui permet de réaliser ces résultats là au progrès social. Et je vais continuer à être active dans ce domaine là dans mon parti, en dehors de mon parti, au niveau national ou international chaque fois que j’aurais une opinion à exprimer, des conseils à donner etc.

Pour vous ou pour le président ?

Pour moi, pour le parti, pour le président et surtout pour le Sénégal.

Un projet de société pour le pays ?

Le projet pour lequel le candidat Macky Sall a cité et qui est en train d’être mis en œuvre c’est également le projet qui concerne la sous région etc. On a une vie intellectuelle, on a une vie sociale, on a une vie religieuse en dehors des fonctions officielles qu’on a acquis. Donc ça ce n’est pas un problème.

GFM