Connectez-vous
Société

A la rencontre des malades cardiovasculaires : Cri de cœur meurtri des damnés du cœur


Mercredi 23 Novembre 2016

L’OBS – Première cause de décès chez l’adulte au Sénégal, les maladies cardiovasculaires ne cessent de faire des ravages. Ces briseurs de vie fracassent encore le cœur des malades et parents.


A la rencontre des malades cardiovasculaires : Cri de cœur meurtri des damnés du cœur

Sa vie n’a tenu qu’à un fil. Ndèye Diop* est une «ressuscitée» qui a frôlé la mort. Assise sur un pan du muret d’une des bâtisses de la Clinique cardiologique du Chu Aristide Le Dantec, physique efflanqué, regard détourné, mains posées sur ses jambes croisées, la quinqua cache sa malchance dans son grand boubou ocre aux raies bleues. Malgré le temps, les clichés noirs de cette tragique matinée où elle a frôlé la grande faucheuse s’entrechoquent toujours dans son esprit. Un esprit transi par l’affliction. De sa perte de conscience, à la salle d’urgence de Cardiologie du Chu Aristide Le Dantec, en passant par son évacuation… tout lui revient. Vivace ! Et quand la quinqua s’attèle à narrer sa mésaventure, des tremolos bourrent sa voix. Aussitôt, Ndèye Diop perd le ton, baisse la tête et laisse voguer son imagination. Une angoisse qu’elle ne s’explique pas, lui pince le ventre, l’étouffant presque. Puis, d’un geste preste, elle peste, tout bas : «Ce jour-là, j’étais dans la cuisine, préparant le déjeuner. Tout d’un coup, j’ai senti un picotement au niveau du cœur. J’ai palpé ma poitrine et me suis dit que la douleur allait passer, comme toujours. Mais, les minutes passaient, la douleur devenait plus intense. Soudain, je ne sentais plus mes bras. Et la minute d’après, je me suis retrouvée à terre. J’ai retrouvé mes esprits à l’hôpital, entourée de blouses blanches. Je ne comprenais rien de ce qui m’arrivait. La seule bonne nouvelle, c’était que j’étais encore vivante.»

 

Une joie de courte durée. Éphémère ! Puisqu’une heure plus tard, la vie de Ndèye Diop bascule. Et s’écroule, comme un château de cartes. Pan ! : «Vous êtes, renseigne le médecin, atteinte d’un Avc (Accident vasculaire cérébral).» L’annonce eut l’effet d’un baril d’huile versé sur le brasier. Ndèye Diop n’y comprend rien. Elle est là pétrifiée, le cœur en transe. Seulement, après moult réflexions, elle se barde de courage et décide d’affronter la maladie. La dame au teint caramel ne veut aucunement que le monde s’effondre sur elle. «Pour moi, avoir survécu à l’attaque cardiaque découlait du miracle, de la volonté divine. Car je pouvais ne jamais me réveiller après l’accident», se réjouit-elle, entre deux souffles. Depuis, de l’eau aura coulé sous le pont. Aujourd’hui, la Yoffoise a repris le sourire et respire la forme. Toutefois, elle sait ses jours comptés, la grande faucheuse pouvant l’emporter à tout instant.

Hypertension, un tueur silencieux. Ndèye Diop peut remercier le Bon Dieu d’être toujours vivante. Puisque nombreuses, très nombreuses mêmes, sont ces personnes mortes sur le coup, suite à une attaque cardiaque. Les chiffres font froid au dos. Alarmants. Au Sénégal, 24%, voire 25% des adultes sont hypertendus (voir l’entretien avec le Cardiologue Pr Abdoul Kane). «Tueur silencieux», l’hypertension est la principale cause des Accidents vasculaires cérébraux. Cette hypertension peut se compliquer d’Accidents vasculaires cérébraux (Avc) ou d’Insuffisance cardiaque ou encore d’Insuffisance rénale. Les maladies cardiovasculaires ne cessent de faire des ravages. Elles sont des tueuses froides. Des briseuses de vie. Après le paludisme, première cause de décès, le document publié en 2005 par le ministère de la Santé indique qu’elles sont la deuxième cause de décès dans le pays et la première chez l’adulte. Pis, elles sont, après les accidents de la circulation, la première cause de handicap vasculaire cérébral. Outre l’hypertension artérielle, il y a les cardiopathies ischémiques, appelées autrement crises cardiaques. Les facteurs de risques liés aux maladies cardiovasculaires font légion : diabète, obésité, hypertension artérielle, cholestérol, mauvaise alimentation, manque d’activité physique, tabagisme, usage nocif de l’alcool, stress  etc. Tout y passe. Le mal est profond.

 

Des soins onéreux ! Traiter une maladie cardiovasculaire demande des moyens. Pour les personnes défavorisées, se soigner est la croix et la bannière. Un véritable casse-tête. Et souvent, elles sont obligées d’arrêter leur traitement, faute de moyens. Les médicaments sont onéreux, le traitement long. Accrochée au détour d’une ruelle de l’hôpital Aristide Le Dantec, Oumy Samb* ne dit pas le contraire. La dame a eu toutes les peines du monde pour payer ses consultations. Oumy Samb : «J’ai déboursé respectivement 25 000 et 18 000 FCfa pour la radio et les analyses. Sans compter les dépenses liées aux ordonnances, à la nourriture et à l’hospitalisation, entre autres. C’est infernal !»

 

Mbaye Diène n’a plus un sou. Coiffé d’un bonnet blanc laissant apparaître des cheveux grisonnants, le sexagénaire (il a 63 ans) taille bavette avec un ami sur le parvis du service cardiologique de l’hôpital Le Dantec. Où le soleil garde le même éclat et la même allure, sous le lamento des pas des patients et des blouses blanches. Un moment de détente pour Mbaye Diène qui, peiné par le sort de son môme, s’oxygène sous le feuillage de deux grands arbres derrière les pavillons de cardiologie. Lui a mis toutes ses économies pour soigner son enfant. Un gamin de 11 ans souffrant d’angine. «Père Mbaye», comme l’appellent affectueusement ses proches, a du mal à réunir les deux bouts. Le pater compte sur l’aide des bonnes volontés pour soigner son enfant toujours en salle d’hospitalisation. «Outre la cherté des ordonnances et les analyses à n’en plus finir, l’hospitalisation est très coûteuse. Cela fait aujourd’hui (c’était le 14 novembre 2016) un mois dix jours que mon fils est hospitalisé ici. J’ai déboursé 45 000 francs Cfa tous les dix jours, pour son lit d’hospitalisation. Les ordonnances sont aussi très coûteuses et ne sont pas à portée de gens démunis comme moi. Mais, on rend grâce à Dieu et à toutes les personnes qui ne cessent de nous soutenir dans ces moments difficiles», affirme-t-il.
 

A l’Hôpital général de Grand-Yoff (Hoggy), c’est le même son de cloche. Même cri de cœur. L’on est unanime à déplorer les tarifs onéreux du service cardiologique. Sur l’esplanade de l’hôpital, le Guinéen Amadou Sall* qui vit au Sénégal depuis huit longues années, croise ses bras sur sa poitrine. Malgré son âge avancé, l’homme dégaine un air de jeunot. Lui aussi est atteint d’un Avc. Mais, Amadou a dû son salut à un bienfaiteur qui a pris en charge tout son traitement. «Si je n’avais pas bénéficié de l’aide d’un homme dont je tais le nom, je serais actuellement dans l’autre monde. J’avais perdu l’usage de la parole. Mais, ça va maintenant. Je ne me plains nullement. Seulement, mon traitement a coûté trop cher. Je ne sais même pas combien mon samaritain a dépensé. Certains m’ont dit qu’il a déboursé des millions pour ma prise en charge. Je le remercie vivement et rends grâce à Allah», lance-t-il, ému. Sous l’assentiment de son camarade de chambre, Ablaye Sambou*. Lui aussi malade, mais qui a préféré garder le silence. Lequel en dit long !




Nouveau commentaire :
Facebook

Senxibar | SenArchive | Sen Tv | Flash actualité - Dernière minute | Politique | Société | Economie | Culture | Sport | Chronique | Faits Divers | Opinion | International | Sciences et Santé | Médias | Ils l'avaient dit | Emploi | Ramadan | Perdu de vue | Echos du tribunal | A la une | Achaud | resultats2012 | JOB | Theatre