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Culture

A l'occasion de la célébration de ses 85 ans le 30 juillet 2015: Il y a quelques jours l'OBS publiait les mémoires du tambour major Doudou Ndiaye Rose


Mercredi 19 Août 2015

Mamadou Ndiaye, plus connu sous le sobriquet de Doudou Ndiaye Rose, est un percussionniste qui a consacré sa vie au tambour. Surnommé le «mathématicien des rythmes», le «Grand maître du sabar traditionnel» est un artiste de dimension mondiale. A l’occasion de la célébration de ses 85 ans de musique au Grand Théâtre, il a fait à L’Obs ses mémoires, sans le moindre trou de mémoire.

«MA RENCONTRE AVEC SENGHOR».

«Quand Léopold Sédar Senghor (premier président de la République du Sénégal, de 1960 à 1980 Ndlr :) s’est séparé de Lamine Guèye, à la suite d’une scission avec la Section française de l’internationale ouvrière (Sfio), il a créé, le 27 octobre 1948, son propre parti politique, le Bloc démocratique sénégalais (Bds). Et lors de la mise sur pied de cette nouvelle formation politique, j’ai été choisi comme batteur pour accompagner la chanteuse Mada Sène. A l’occasion de ce meeting, Senghor a été impressionné par ma touche de génie. Depuis lors, j’ai toujours cheminé avec celui qui sera le premier Président du Sénégal indépendant, Léopold Sedar Senghor. Le 04 avril 1960, J’ai, avec 110 tambourinaires, joué au stade de Dakar. Ce qui a davantage impressionné le Président et ses hôtes. Senghor aimait le rythme et la danse. C’était un homme de culture. Un poète accompli. Il m’a pris comme pédagogue à l’Institut national des Arts de Dakar. J’étais aussi le plombier de la gouvernance générale, de la présidence de la République. Je rencontrais le président Senghor trois fois par semaine. A Dakar ou à Popenguine, je l’accompagnais du tam-tam pour déclamer des poèmes. J’accompagnais le Président dans toutes ses visites, ou presque. C’est grâce à lui que j’ai visité presque tous les pays d’Afrique, d’Europe, d’Asie. Les quelques rares pays que je n’ai pas encore visités restent la Russie, les Îles Caraïbes et certains pays océaniques. Senghor a suivi de près ma carrière. Il m’a toujours soutenu et assisté. C’est certain que s’il vivait encore, je ne serais pas dans cette situation. Même si je rends grâce à Allah.»

«MITTERRAND ET MOI».

«Parmi les évènements marquants de ma vie, il y a cette Française du nom de Béatrice Foulet, qui a joué un rôle déterminant dans ma carrière. Elle est et restera à jamais cette dame au cœur d’or qui, par la grâce de Dieu, m’a tout offert. C’est grâce à elle que j’ai rencontré le Président français, François Mitterrand. Ma prestation lors du sommet de la Francophonie en 1986 à Versailles reste aussi un moment important de ma vie. La même année, j’ai joué au festival Nancy Jazz Pulsations. Il y a aussi la première fête de la musique à Paris, où j’ai été convié par la même Béatrice Foulet. C’est également elle qui m’avait invité au match d’ouverture de la coupe du monde organisée en France en 1998. Béatrice Foulet a beaucoup fait pour des artistes comme Ousmane Sow, Julian Jouga. En 1989, j’ai été décoré Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres de la République française par Jack Lang, ancien ministre français de la culture sous Mitterrand. A mon retour à Dakar, j’ai reçu la même distinction. Le Président Abdou Diouf m’a aussi décoré Chevalier de l’Ordre des Arts et Lettres du Sénégal. C’est pourquoi je suis l’une des rares personnes à recevoir ces deux distinctions dans ces deux pays.»

«CE QUI FAIT MON SUCCES AU JAPON».

«Le Japon est un pays où je compte des milliers et des milliers d’inconditionnels. J’ai voyagé 17 fois au Pays du «Soleil Levant». Il suffit que je foule le tarmac de l’aéroport international du Japon pour que des milliers de fans m’accueillent en grande pompe. Ils me font monter dans de grosses et prestigieuses bagnoles qui souvent, sont destinées aux princes ou richissimes hommes d’affaires. D’ailleurs, pour commémorer mes 85 ans de musique, l’ambassadeur du Japon a organisé une fête le mercredi 28 juillet sur le parvis de l’ambassade. Beaucoup de Japonais ont répondu à l’appel et ont communié avec moi. Les Américains ont également organisé un concert pour célébrer mon anniversaire (concert organisé par le groupe américain Deug Daaj, le jeudi 30 juillet 2015, au Grand Théâtre, Ndlr). A l’occasion, l’ambassadeur des Usa a, malgré son emploi temps du temps chargé, tenu à faire le déplacement pour assister à la cérémonie. D’autres grandes personnalités étrangères étaient aussi présentes. Pourtant, aucune autorité sénégalaise n’a daigné faire le déplacement (il se tait un moment, puis reprend son speech). Je représente quoi donc dans ce pays ? Les autres pays me respectent et me célèbrent. Tout le contraire au Sénégal. Je ne demande rien à personne. Néanmoins, on doit rendre à César ce qui appartient à César.»

BICENTENAIRE DE LA REVOLUTION FRANCAISE.

«La France avait besoin de percussionnistes pour la célébration de sa Révolution. Béatrice Foulet a été mise en rapport avec moi. La dame m’a appelé, puis m’a fait savoir que la métropole avait besoin d’un batteur qui pouvait accompagner la musique principale des Forces armées. J’ai demandé qu’on m’envoie le son. Après avoir bien écouté la chanson, j’ai composé un rythme de «Sabar» traditionnel qui a séduit la dame et sa hiérarchie. Quelques jours plus tard, Mme Foulet m’a proposé un contrat. J’ai accepté. C’est ainsi que je suis allé en France. Le 14 juillet 1989, j’ai participé aux manifestations du Bicentenaire de la Révolution française. En outre, j’ai joué avec France Gall (chanteuse française, après plusieurs grands succès à partir de 1963 et un premier prix au concours Eurovision de la chanson en 1965, Ndlr :)»

SON HERITAGE.

«Je pense que mon legs est assuré. Ma notoriété dépasse les frontières du Sénégal. Partout ou presque, les gens parlent de moi. Mes enfants sont un peu partout en Europe et perpétuent mon œuvre. Ils maîtrisent tout ce que je leur ai appris. Ils sont des ambassadeurs de Doudou Ndiaye Rose et de la culture sénégalaise, voire africaine. J’en suis fier. D’ailleurs, on me respecte plus en Occident qu’au Sénégal. Les pays asiatiques, notamment le Japon, la France, entres autres, reconnaissent mon énorme travail. Par exemple, au «Pays du Soleil Levant» où mes enfants ont ouvert des écoles de danse, je suis traité comme un roi. Je veux seulement qu’on sache qui je suis au Sénégal. Je suis un ambassadeur du Sénégal. On me connaît partout. J’ai exporté notre « sabar » traditionnel et la culture africaine partout. Je n’aimerais pas qu’on me rende hommage après la mort. Des Japonais m’ont même demandé s’il y a une rue au Sénégal qui porte mon nom. Je leur ai tout simplement répondu que non. Ici, on aime les hommages posthumes. En tout cas, si les autorités sénégalaises veulent m’honorer, elles n’ont qu’à le faire de mon vivant. C’est tout ce que je demande.»

ABDOU DIOUF, ME WADE ET MON PROJET.

«En décembre 1999, trois mois avant l’élection présidentielle de mars 2000, le Président Abdou Diouf m’a offert 5 hectares de terres à Nguekhoh (ville de l’ouest du Sénégal, proche de Mbour, Ndlr : ) pour un projet d’Institut international de danse et de rythme. Le coût de ce projet s’élève à 5,2 milliards FCfa. La chute du régime socialiste et l’arrivée du régime libéral a changé la donne. Au lendemain de la victoire de Me Abdoulaye Wade, les choses ne se sont pas passées comme prévu. J’ai cherché à avoir un agrément de l’Etat pour mes terres. En vain. J’ai également sollicité une audience avec Me Wade qui, malheureusement, ne m’a reçu que vers la fin de son mandat. Les libéraux ont tenté de m’enrôler dans leur formation politique. Mais je suis toujours resté fidèle à mes convictions. Pour rien au monde, je ne militerai dans un autre parti que le parti socialiste qui, par le biais de Senghor, m’a tout donné. Jusqu’au jour d’aujourd’hui, je n’ai donc pas pu obtenir les documents nécessaires pour mettre en valeur mes 5 ha de terres. Aujourd’hui, des bailleurs et des partenaires japonais sont prêts à financer mon projet de création d’un Institut de danse et de rythme. Seulement, ils me demandent les documents prouvant la légalité des mes terres. Je réitère mon appel à l’endroit du chef de l’Etat, Macky Sall, pour avoir ces papiers administratifs. J’ai même délocalisé le projet à Joal, par affection et fidélité au président-poète, Léopold Sédar Senghor.»

LOBSERVATEUR





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