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1914-2014: LA MEDINA DE DAKAR A 100 ANS


Jeudi 6 Février 2014

Cette année, la Médina de Dakar va célébrer ses 100 ans d’existence. Lesquels sont marqués par de profondes mutations. Créé en 1914, ce quartier populeux et populaire de la ville de Dakar sera compté, à partir de cette année, parmi les quartiers les plus vieux de la capitale. Occasion ne pouvait donc être meilleure pour revisiter l’histoire de la Médina et dresser un bilan sans complaisance de la situation actuelle de ce quartier. En attendant, revisitons l’histoire…


1914-2014: LA MEDINA DE DAKAR A 100 ANS

 

L’histoire aurait pu être commencée au 15ème siècle, voire plus tôt. Mais commençons la au 19ème siècle, plus précisément en 1817. Année qui a marqué la reprise de l’île de Gorée par les Français. A partir de cette date historique, des relations amicales s’établirent entre les Français installés à Gorée et les Lébous de la Presqu’île du Cap Vert. Des traités furent signés entre les représentants de la France et ceux de la République léboue. Parmi ces traités, il y a celui du 10 octobre 1826 réglementant les interventions lors des fréquents naufrages de navires, celui du 22 avril 1830 concernant les révisions de taxes et impôts que les Français payaient aux autorités de la Presqu’île et celui du 10 août 1832 cédant aux Français un terrain situé à la pointe de Bel Air pour accueillir un cimetière. Cependant, tout changea un matin de Korité coïncidant avec la date du 25 mai 1857. Ce jour-là, raconte Abdou Khadre Gaye, écrivain, Président de l'Entente des mouvements et associations de développement (Emad), coordonnateur du Fespenc (Festival des Penc), «après avoir assisté à la cérémonie de prière à Bayé, actuelle Place de l’Indépendance, Protêt et ses troupes défilaient dans les rues de Dakar, comme pour communier avec leurs amis musulmans qui fêtaient la fin du mois du Ramadan». «En vérité, c’était pour marquer la prise de possession de Dakar où flottait dorénavant le drapeau français», déclare M. Gaye. 

En effet, indique ce dernier, «dès la prise de possession de Dakar, la priorité des Français était de faire accepter leur suprématie et de réaliser leur vieux rêve d’occupation des terres du haut Plateau de la Presqu’île. La politique d’acquisition par l’achat et la location ne suffisant pas à la réalisation de ce rêve, ils eurent recours à la réquisition». 

Les premiers refoulements de populations autochtones

C’est ainsi qu’en 1858, fait savoir le président de l’Emad, Abdou Khadre Gaye, pour causes d’alignements au profit du magasin bordelais de dépôt Maurel et Prom, les villages de Kaay, Tannu Géej et Mbakkënë, situés sur la côte orientale du Plateau, furent déménagés vers les dunes (tundd), au-delà de l’actuelle rue Vincent.

«En 1887, lorsque Dakar fut érigé en Commune de plein exercice, les populations autochtones étaient toutes refoulées dans cette onze aves des villages dispersés entre les dunes de sable», poursuivit-il. De fait, le Plateau était partagé en deux zones, une européenne, une africaine, pour ne pas dire une française, une léboue. En 1900, raconte M. Gaye, une épidémie de fièvre jaune frappa la cité. Cette épidémie fut pour les Français une aubaine. Ils purent, arguant les mesures sanitaires, refouler, toujours un peu plus loin, une bonne partie des populations autochtones de cette zone stratégique du Plateau. Plusieurs centaines d’habitations furent ainsi brûlées. 

De la convention Camille Guy,  à la création de la Médina

En 1905, la convention dite Guy ou Bañul, négociée et ratifiée par le gouverneur, Camille Guy, et dont la publication souleva des vagues de contestations chez les Lébous, fut l’occasion pour les Français de s’emparer de deux vastes terrains propriété commune de la Collectivité léboue. Les terrains étaient
situés, à en croire les recherches du coordonnateur du Fespenc, à Bañul (Cap Manuel) et Tundd (Centre Ville). La convention a été contresignée par le Sëriñ Ndakaaru et chef de Canton de la banlieue Est, Alpha Diol. 

En 1914, une épidémie de peste éclata au mois de mai. Et les populations autochtones à nouveau furent appelées à se déplacer, mais cette fois-ci tout à fait hors du Plateau, vers «Xuru Xan» ou «Xan Xur» (dépression de Xan), aussi appelé «Tillén» (repère de till : chacals), où les Français avaient fait construire un village de ségrégation qu’ils ont voulu baptiser Ponty-Ville par arrêté n° 1467 du 19 septembre 1914, signé par le gouverneur William Ponty. «C’est grâce à l’intervention et aux prières du marabout El Hadj Malick Sy, qui donna au village le nom de ‘Madinatoul Mounawara’ (Médine), en souvenir à la ville sainte qui accueillit le Prophète Mouhammed en 622, qu’une bonne partie de la population autochtone se résigna au déplacement», souligne M. Gaye qui ne manque de signifier que ce déplacement ne concernait pas tous les habitants de Plateau.

Les trois évènements qui ont émoussé l’ardeur des colonisateurs

En effet, ce déplacement ou exil fut stoppé net suite à trois évènements qui émoussèrent l’ardeur des colonisateurs à un moment où l’Europe était en état de guerre. D’abord, il y a eu une révolte qui éclata au «Pénc de Kaay Findiw» où plus de cinq mille personnes armées étaient prêtes à en découdre avec les brûleurs de cases et leurs mandants. «Ce jour-là, Abdou Cogna Diop a mis à terre deux soldats qui voulaient l’empêcher de rejoindre les émeutiers et déclara à l’intention de leur chef : ‘Si vous  mettez le feu à une seule baraque, je réduis en cendre le Palais du Gouverneur’. Youssou Bamar Guèye, Goornarou Guèye, Macodou Diène, entre autres dignitaires et notables, furent accusés comme étant les instigateurs de cette révolte», raconte M. Gaye. Ensuite, il eut une intervention mystique du Jaraaf, Farba Paye, devant les trois émissaires blancs venus lui parler de déguerpissement.

Selon son petit-fils, El Hadj Ibra Guèye Paye, actuel Jaraaf, il leur fit voir le  saignement du fromager géant du «Pénc de Mbot» en y plantant son sabre et entendre le bourdonnement des abeilles gardiennes de la cité. Elles moururent toutes, de façon assez mystérieuse. Enfin, il y a eu ce qu’on peut appeler «le grand événement du début du siècle», c'està-dire l’élection de Blaise Diagne comme représentant de l’Afrique noire francophone au Parlement français. Cette nomination de Blaise Diagne, premier député Africain élu à la Chambre des députés française, va beaucoup participer à apaiser la situation et à rétablir la justice. Blaise Diagne, qui devient par la suite, en 1920, premier maire Lébou de Dakar, obtint, avec l’appui du gouverneur Ponty, que les terrains de «Tundd» reviennent à ses propriétaires légitimes, les «Pénc lébous».

«Ce fut comme un exaucement des prièresprédictions du marabout El Hadj Malick Sy qui avait déclaré aux exilés du Plateau à peu près ceci : ‘Partez sans regret ! Tout comme le fut Madinatoul Mounawara pour le Prophète Mouhammed, cette nouvelle ville qui porte le nom de la cité bénie sera pour vous une bénédiction. Et, d’ici peu, je vous le dis, une bonne partie de vos terres du Plateau vous seront rendue’», raconte Abdou Khadre Gaye
SENEPLUS




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